Risque de Crédit


PREMIERE PARTIE :

Gestion du risque de crédit et maîtrise de son impact sur la rentabilité des établissements financiers

Introduction de la première partie

Les métiers bancaires, qu'il s'agisse des activités de banques commerciales ou des
activités de banques de marché, sont générateurs de risques variés, lesquels sont aujourd'hui particulièrement aigus, en raison des transformations qui ont affecté l'économie financière :
- concurrence accrue dans de très nombreux secteurs,
- ouverture croissante sur l'extérieur,
- sophistication incessante des produits,
- innovations financières et technologiques, et forte volatilité des variables de marché...
Ainsi, l'environnement économique et financier est devenu de plus en plus source de risques dangereux pour les banques, qui vivent, mais qui peuvent aussi mourir à cause des risques qu'elles ont pris.
Du fait de ces mutations, les banques doivent relever des défis exceptionnels afin de se doter d'avantages concurrentiels déterminants.
En effet, la banque ressemble de plus en plus à une « machine à risques » : elle prend des risques, les transforme et elle les incorpore aux services et aux produits bancaires qu'elle offre.
Mais, comment mesurer et améliorer l'efficacité et la rentabilité d'une telle machine dont les risques sont d'avantage perçus comme un aléa intangible plutôt qu'un objet se prêtant à mesure et quantification ?
D'une manière générale, il n'y a pas d'activité financière, ni économique sans prise de risques. La notion du risque recouvre donc tout événement susceptible d'empêcher un établissement de réaliser ses objectifs ou encore de maximiser ses performances.
Communément, dans le cadre des activités de marchés, on distingue trois grandes catégories de risques :
Le risque de marché : C'est le risque de pertes ou de dévaluation sur les positions prises (courtes ou longues) suite aux fluctuations des marchés. Ce risque concerne toute une gamme d'instruments financiers : obligations, actions, dérivés de taux, change, matières premières, etc.
Le risque opérationnel : Définit par le comité de Bâle2(*) dont il a trouvé ses origines, comme le risque de pertes provenant de processus internes inadéquats ou défaillants (systèmes d'information déficients, erreurs humaines, fraudes et malveillances), ou événements externes (accidents, incendies, inondations) perturbant la réalisation des objectifs de l'établissement (création de valeur).
Ø Le risque de crédit, dont nous allons consacrer ci-joint toute une section afin d'appréhender ses sources et origines et pouvoir ainsi mieux le cerner.
Le risque de crédit est sans doute, celui auquel les banques ont dû le plus souvent faire
face. Ce risque est, incontestablement, le plus ancien de tous les risques, et dont les
procédures de gestion sont classiques et bien connues. C'est sans doute, celles qui sont
amenées à se développer le plus, lors de ces prochaines années.
La gestion des risques se développe aujourd'hui très rapidement dans l'univers bancaire.
Elle couvre toutes les techniques et les outils pour mesurer et contrôler les risques. Certes le
risque de crédit constitue un risque majeur dans le dispositif du  « Risk Management » dans
une banque. Paradoxalement, la gestion du risque de crédit, est sans doute celle qui est
appelée à évaluer le plus aujourd'hui.
De multiples facteurs concourent à cette évolution. Les mesures du risque de crédit sur des portefeuilles de prêts ont considérablement progressé, notamment avec la méthode de la VaR (Valu at Risk) qui représente la valeur en risque, transposée de l'univers des marchés à celui du portefeuille bancaire.
Dans la première partie de ce travail, les questions fondamentales auxquelles je vais essayer de répondre sont :
« Qu'est ce que le risque de crédit ? Peut- on l'identifier ? Comment peut ont le mesurer et le cas échéant le maîtriser ? Et enfin, existe-t-il un lien entre le risque de crédit et la rentabilité de la banque ? »
Le point de départ de notre démarche consiste à identifier le risque de crédit. Ensuite, nous aborderons la question de sa quantification et de sa mesure. Ceci fera l'objet du premier chapitre.
Une fois le risque de crédit est identifié, nous tâcherons sur la maîtrise de ce risque majeur, tout en essayant de trouver le lien entre ce risque et la rentabilité de la banque. Cette idée sera développée dans le deuxième chapitre.

Chapitre1: Le risque de crédit, un risque d'exploitation majeur dans les établissements financiers 

Nous nous intéresserons dans ce premier chapitre, à définir dans un premier temps le risque de crédit et à identifier ses composantes. Puis dans une deuxième partie, nous présenterons les différents modèles existants pour valoriser ce risque spécifique, tout en essayant de mettre en exergue les limites de différents modèles.

Section 1 : le risque de crédit

Paragraphe 1 : Définition et composantes

Le risque de crédit est le risque de pertes consécutives au défaut d'un emprunteur face à ses obligations, ou à la détérioration de sa solidité financière ou de sa situation économique au point de dévaluer la créance que l'établissement de crédit détient sur lui.
On comprend clairement qu'il existe donc deux types de risque de crédit :
- Un risque de défaut : C'est le risque qu'un emprunteur ne soit pas en mesure de faire face à ses engagements de paiement (incapacité d'honorer ses obligations de paiement des intérêts et/ou du principal d'une créance) ;
- Un risque de dépréciation de la qualité de crédit : Ce risque est dû à la détérioration de la solidité financière de la contrepartie et par conséquent la qualité de la signature.
En face de ce risque crédit, nous sommes en présence de deux natures de débiteur :
- Un risque émetteur : Il s'agit d'un risque lié à un instrument "cash" : (obligations, billets de trésorerie, prêts bancaires, certificats de dépôts...).  
- Un risque de contrepartie : Ce risque est lié à un instrument "non cash" : (produits dérivés, garanties...)
Risque émetteur
Risque de défaut Risque de dégradation
Risque de contrepartie
Les émetteurs de dettes sont multiples, nous pouvons énumérer à titre d'exemple : (les entreprises, établissements de crédit, compagnies d'assurance, États souverains, établissements publics, sociétés financières, véhicules de titrisation...).
De la même manière une contrepartie à un contrat de transfert de risque est une personne qui s'est engagée de supporter le risque de crédit en cas d'événements de défaut et ceci en indemnisant l'autre partie au contrat du montant de la perte.
Ainsi le risque de crédit se compose du :
- Risque de défaut (default Risk) : le débiteur ne peut pas rembourser sa dette.
- Risque de recouvrement : le taux de recouvrement (recovery rate) est fixé à priori. Il permet de calculer le montant récupéré sur l'actif de référence à l'issue de la défaillance. Par exemple, le taux de recouvrement est de 40%, le vendeur devra verser à l'acheteur de protection 60% du nominal s'il y a défaillance de la part du sous-jacent.
- Le risque de dégradation de la qualité du crédit par le marché : le risque se traduit par la hausse de la prime de risque appelée la marge de crédit (credit spread). la marge de crédit correspond à l'écart entre le rendement (the yield) exigé par le créancier et le taux sans risque. Plus l'emprunteur est risqué, plus le crédit spread est élevé, moins les instruments de dette de l'emprunteur ont de la valeur. Le taux sans risque est définit comme le rendement des titres de dette d'états tels que la Tunisie (BTA)3(*), la France (OAT)4(*), les Etats-Unis (T-Bonds)5(*). La dégradation de la qualité du crédit peut être également illustrée par le changement de note (rating) de l'emprunteur de la part d'une agence de notation telle que Moody's et Standard&Poor's.
Le risque de crédit est présent dans toutes les transactions qui ne sont pas réglées immédiatement à 100%.
Parmi les produits dérivés, les dérivés de crédit s'utilisent sur une gamme plus large que les dérivés de taux d'intérêt ou les dérivés sur actions dans la mesure où ils concernent la gestion du risque associé aux dettes bancaires et obligataires des entreprises.
Pour un prêt bancaire, l'exposition au risque de crédit est égale au montant utilisé (outstanding) par l'emprunteur majoré par les intérêts courus. Pour les produits dérivés, l'exposition au risque de crédit dépend de la valeur de marché de la position (mark-to-market), i.e. le coût de remplacement du contrat dans les conditions du marché au moment d'évaluation.
Si la valeur du contrat est positive, elle correspond au risque de crédit. Cependant, pour avoir le risque total de la position, il faut lui ajouter un coefficient de majoration (add -on) qui mesure la dérive possible en fonction de l'évolution du marché.
Si la valeur du contrat est négative, l'exposition se calcule avec la probabilité que cette valeur devienne positive avant l'échéance du contrat.
* 1 Crouhy : 1ère conférence « La gestion du risque de crédit et la stabilité du système financier international »
* 2 Instauré en 1974 par les autorités de régulation des pays membres du G 10 le Comité de Bâle est une instance
qui regroupe aujourd'hui 13 pays. Son but est la sécurisation des relations bancaires, au travers notamment de
l'harmonisation des dispositifs de contrôle nationaux.
* 3 Bons du Trésor Assimilables
* 4 Obligations Assimilables du trésor
* 5 Treasury bonds

Paragraphe 2: Approche du risque de crédit 

Face à un paysage financier en perpétuel changement, profondément marqué par une multitude d'événements majeurs, le risque de crédit n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Le secteur bancaire de part ses fonctions d'intermédiation et gestion d'actifs à été l'un des premiers à être touché par ce fléau.
C'est ainsi, que la gestion des risques est devenue un besoin d'adaptation récurrent et même une question de survie pour tous les utilisateurs de risque.
Les établissements de crédit doivent en permanence faire preuve de rigueur et prudence à l'égard de leur approche du risque de crédit ce qui constitue l'une des valeurs intrinsèques de la gestion des risques. En effet, il n'est pas insolite en matière d'octroi de crédit de voir certains préteurs suivre aveuglement les dernières tendances à l'égard des secteurs ou des produits, pas plus que de les voir modifier leurs critères d'affectation en fonction de la croissance ou du ralentissement de l'économie.
Nul ne doute que ces prêteurs qui sont enclins à délier les cordons de la bourse de manière excessive en période de prospérité doivent bien souvent les resserrer lorsque l'économie ralentit et la qualité de leurs portefeuilles de prêts se trouve dégradée.
Toutefois, ces pratiques peuvent être au mieux déstabilisante et au pire désastreuse. C'est pourquoi, les demandes de crédit doivent sans équivoque faire l'objet d'une analyse minutieuse. Les décisions sont prises et rendues en toute transparence par des experts en risque de crédit, parfaitement compétents, s'appuyant sur des normes et des méthodes éprouvées. La constance en matière d'octroi de crédit doit être l'une des priorités des préteurs que ce soit en période de prospérité qu'en période de crise.

Section 2 : les différents modèles d'évaluation

Le développement des marchés organisés du crédit a donné la possibilité aux banques de réaménager dynamiquement leur portefeuille, et ainsi, d'optimiser le couple rendement - risque. Pour cela, la construction d'un modèle interne de pilotage du risque de crédit est nécessaire, tout comme elle le fut pour le risque de marché. Un tel modèle permet de déterminer une mesure agrégée du risque de crédit d'un portefeuille de titres hétérogènes, ainsi que la contribution marginale de chacun de ses éléments. L'enjeu est d'allouer plus finement les fonds propres à chacune des activités de la banque et déterminer ainsi un montant de fonds propres économiques aussi objectifs que possibles pour l'ensemble du groupe.
Les banques s'efforcent donc de développer des modèles internes de mesure de l'exposition au risque sur leur portefeuille de crédit après avoir adopté des modèles basés sur la VaR pour les risques de marché. L'enjeu de ces modèles est de quantifier les fonds propres qu'elles doivent posséder face à l'exposition globale de leur portefeuille et du niveau du risque qu'elles souhaitent conserver.

Paragraphe1 : Les différentes options proposées par le Bâle II

Le sujet est d'autant plus actuel avec la mise en place, par le Bâle II, du ratio Mc Donough, qui vient remplacer le ratio Cooke. Ce ratio propose une approche réellement nouvelle, avec plusieurs options.
1. Une option standard : dans laquelle les 8% du ratio se décomposeraient en 6% affectés aux risques de crédit, 1,6% aux risques opérationnels et 0,4% aux risques de marché. Cette approche reprendra les notations externes des agences et des banques centrales.
2. Une approche dite « foundation » : qui permettra aux banques d'avoir recours, en partie, à leurs modèles internes d'évaluation du risque de crédit, dés lors qu'ils seront avalisés par des autorités de régulation nationale. Cette méthode de notation interne connue sous la dénomination "IRBA Fondation" (Internal Rating Based Approach Foundation), est réputée pour être relativement simple comparée à la troisième approche qu'on essayera d'exposer par la suite.
Le régulateur a prévu pour cette deuxième approche, la possibilité pour les banques d'estimer elles-mêmes leur probabilité de défaillance sur leurs débiteurs et de pouvoir utiliser les valeurs fournies par les autorités de contrôle pour les autres paramètres de calcul des risques. Conformément à cette approche, les banques évaluent seules leurs probabilités de défaillance (PD) et les autorités de contrôle déterminent de leur côté, l'exposition à la perte au moment du défaut (EAD), le taux de perte en cas de défaut (LGD), ainsi que la maturité (M) du crédit pour l'instant fixée à deux ans et demi.
Le calcul des besoins en fonds propres est donné par la formule suivante :
FPR = [Ó É (PD, LGD, M) x EAD)] x 8 %
Ci-joint, une définition des paramètres quantitatifs utilisés dans l'approche IRBA.
- La probabilité de défaillance (PD) : C'est la probabilité que le preneur de crédit fasse défaut face à ses engagements de paiement. Cette probabilité dépend de qualité du crédit initial, mais surtout de la pérennité du débiteur et de sa capacité financière actuelle et future. Seuls sont exclus les contentieux de type commercial et les retards de paiement ne dépassant pas un certain délai de grâce coutumier. Quoi qu'il en soit la raison du défaut, le Comité de Bâle considère la probabilité de défaillance, comme étant une mesure de la probabilité d'occurrence d'un défaut sur une contrepartie donnée à un horizon donné. Cette probabilité n'étant généralement pas mesurée directement (faute d'un nombre suffisant d'observations), elle est plutôt calculée par le biais d'une notation donnée par la banque.
- Exposure At Default (EAD) : C'est l'exposition à la perte au moment du défaut. Elle correspond au montant dû par la contrepartie au moment où elle fera défaut sur un engagement donné à un horizon correspondant à celui utilisé pour la probabilité de défaut. Pour un prêt, il s'agira donc du capital restant dû à l'horizon considéré et éventuellement des intérêts courus non échus au même moment. Il est clair que plus le montant d'exposition est élevé, plus grande sera la perte en cas de défaut. Cette exposition évolue différemment dans le temps en fonction du type de crédit.
- Loss Given Default (LGD) : C'est le taux de perte en cas de défaut correspondant à la partie des encours définitivement irrécouvrable équivalente au pourcentage de perte non couverte et exprimée par la formule (1-Taux de recouvrement). Cette perte tient compte des possibilités de recouvrement que possède la banque en cas de défaut, sous la forme de garanties, de gages ou encore de dérivés de crédit.
- Le Taux de recouvrement (TR) : Il mesure la part du montant de l'exposition au moment du défaut que la contrepartie sera à même de rembourser. Ce taux s'applique à un engagement donné et il dépend fortement de sa séniorité (les plus anciens sont remboursés en premier, les juniors le sont en dernier). Concrètement, il correspond au pourcentage de la valeur au pair remboursé.
- Effective Maturity (EM) : Il s'agit de la maturité du crédit. En d'autres termes, c'est le délai imparti à l'emprunteur pour honorer ses engagements.
Ces cinq paramètres définis, permettent de quantifier la perte moyenne attendue sur un engagement et à un horizon donné. En cas de défaut, la perte constatée serait égale à l'exposition au moment du défaut diminuée du recouvrement, soit :
Perte en cas de défaut = EAD × (1 - TR) = EAD × LGD
La perte moyenne attendue, connue sous l'appellation "Expected Loss" sera donc 
Expected Loss = EAD × LGD × PD
Cette perte moyenne attendue n'a réellement de sens que si elle est calculée sur un portefeuille entier. La perte calculée sur une ligne individuelle ne sera jamais réalisée.
3. Une option « advanced » : qui prendra en compte exclusivement les modèles des banques, encore une fois après qu'ils ont été certifiés par la banque centrale. Cette méthode se rapproche fortement de la méthode "IRBA Fondation", vue qu'elle n'est autre que l'image transposée de celle-ci. Cette dernière approche est connue sous l'appellation "IRBA Advanced" pour souligner le caractère avancé comparé à "IRBA Fondation".
Contrairement à la deuxième approche, cette méthode est réputée pour être complexe. L'adoption de cette méthode interne d'évaluation des risques est plutôt réservée aux établissements disposant d'un savoir faire reconnu par leurs autorités de contrôle en matière de mesure et gestion des risques. Pour calculer la pondération du risque, les banques doivent évaluer pour chaque crédit sauf pour le cas des particuliers, les cinq paramètres cités ci-dessus à savoir, la probabilités de défaillance (PD), l'exposition à la perte au moment du défaut (EAD), le taux de perte en cas de défaut (LGD), ainsi que la maturité (M) du crédit.
Le calcul des besoins en fonds propres est donné par la même formule précédente :
FPR = [Ó É(PD, LGD, M) x EAD)] x 8 %
En terme d'exigences qualitatives imposées par le régulateur pour l'évaluation des risques de crédit, elles portent principalement sur le "système de notation interne". Cette expression de système de notation interne recouvre à la fois l'ensemble des processus, méthodes, contrôles ainsi que les systèmes de collecte et d'information permettant d'évaluer le risque de crédit, d'attribuer des notations internes et quantifier les estimations de défaut et de pertes. Ces exigences qualitatives viennent compléter les paramètres quantitatifs afin de fournir une évaluation assez fiable des risques.
Les banques dotées des procédures internes d'évaluation les plus sophistiquées y gagneront une plus grande liberté pour évaluer leurs besoins en fonds propres. Certes, le capital d'une banque est la seule protection contre les pertes susceptibles de survenir.
Ce principe est retenu par les autorités de tutelle qui impose de respecter un niveau minimal de capital économique par les banques. Celui-ci est défini selon des normes simples et universelles. Il s'agit de forfaits appliqués aux encours pour obtenir le capital réglementaire. Par exemple, la réglementation Cooke attribue un même forfait (4% des encours privés) aux crédits à un an et à dix ans, ou à des crédits à un client privé A et un client noté. Cela, peut les rendre inutilisables pour la gestion d'un établissement. Ces limites sont connues depuis longtemps. Tout le problème est de passer des forfaits réglementaires à des mesures plus objectives des risques.
A ces mesures objectives, ou « économiques », correspond une estimation « économique » (non réglementaire) du capital. Le « capital économique »est donc celui qui permet d'absorber des pertes potentielles mesurées objectivement. Par définition, il est égal à ces pertes potentielles.
Si tel est le cas, il y a « adéquation du capital aux risques encourus ». Sinon, il faut soit réduire le risque soit accroître le capital. Bien entendu, si ce capital peut être défini, il doit être rémunéré. Les intérêts du capital économique en résultent : mesurer le risque le mieux possible ; permettre de définir les résultats requis en fonction des risques. A défaut d'une telle mesure, un établissement ne sait ni si ses risques sont compatibles avec son niveau du capital, ni différencier sa facturation clients en fonction des risques encourus ! Ces deux lacunes impliquent une myopie telle que tous les établissements doivent envisager l'utilisation de mesures de ce type.
Malheureusement, définir un capital économique est ambitieux et délicat, sinon la réglementation l'aurait fait dés le départ ! La principale difficulté réside dans la définition des pertes potentielles qui sera retenue ?
Le principe est le suivant. Il s'applique tant aux risques de marché que de crédit. Les pertes futures sont divisées en 2 catégories : les pertes statistiques (la moyenne) et les déviations possibles au-delà de cette moyenne. Les premières sont inévitables à long terme. Par exemple, si les clients d'une banque ont une probabilité de faire défaut de 1%, une entreprise sur cent fera défaut en moyenne. La loi des grands nombres indique que ces pertes surviendront tôt au tard. Soit elles sont incluses dans le capital requis, soit elles sont retranchées des résultats. Mais ce n'est pas suffisant !
Si cette « casse statistique » est la seule couverte, un établissement fera défaut au premier dinar de perte au-dessus de cette moyenne. Or les pertes potentielles n'ont aucune raison d'être égales aux pertes moyennes. Il s'agit d'une coïncidence. Les pertes futures peuvent prendre n'importe quelle valeur, entre Zéro ou des valeurs extrêmes , très rares mais très importantes .Le problème est donc de disposer d'un capital suffisant qui permet de couvrir les déviations défavorables des pertes observées au-delà de la moyenne.
Les principes de mesures retenus correspondent à la notion de VaR .D'abord appliquée au risque de marché, elle s'étend maintenant au risque de crédit.

Paragraphe2 : Les modèles basés sur la VaR 

1. La VaR appliquée au risque de crédit
La VaR est l'abréviation d'un terme anglais, « Value at Risk » qui signifie « valeur en risque », utilisée habituellement pour mesurer le risque de marché relatif à un portefeuille d'actifs. Il s'agit du montant des pertes maximum sur un horizon temporel donné et un niveau de confiance choisi, si l'on exclut les événements défavorables ayant une faible probabilité de se produire.
Cette notion de la VaR repose donc sur trois paramètres fondamentaux :
- La distribution des résultats des portefeuilles (souvent supposée Normale)
- Un niveau de confiance choisi (95% ou 99% en général) ;
- Et un horizon temporel donné.
Le principe de détermination d'une VaR est simple. La relation entre une valeur possible est ses chances de survenir est une distribution de probabilité.
Dés lors tout devient affaire de probabilité. Il s'agit de déterminer quel niveau de pertes potentielles ne sera dépassé que dans une fraction faible des cas. Au-delà, l'établissement bancaire fait défaut par définition. Cette fraction s'appelle le seuil de tolérance pour le risque.
Voyons dans l'exemple suivant le mode de calcul d'une VaR pour risque de crédit :
Une perte potentielle est caractérisée par deux chiffres :
§ Sa valeur
§ La probabilité de dépasser cette valeur.
Supposons qu'une banque détienne un portefeuille de 1000 dont le rating moyen est A. Les statistiques de défaut associés à ce rating sont : un taux de défaillance moyen de 1% et une volatilité annuelle de ce taux dans le temps de 1,5%. La volatilité traduit l'instabilité temporelle des défaillances.
La casse statistique sera de 1% de l'encours, soit 10.
La volatilité des pertes pour défaut sera de 1,5×1000soit 15
On suppose que la perte en cas de défaut est de 100%, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune récupération.
On estime que la distribution de probabilité des pertes suit une loi Normale, ce qui implique les résultats suivants :
Il y a 2,5 chances sur 100 pour que les pertes dépassent 1,96 fois la volatilité.
Dans notre exemple, les pertes potentielles au seuil de tolérance de 2,5% sont donc de 1,96*15=30
Le capital nécessaire à la couverture de ce portefeuille sera de 30 selon le modèle de la VAR.
Bien entendu toute la difficulté réside dans le choix du multiple, dont la précision peut être illusoire, surtout si l'on cherche à évaluer des évènements rares. L'accroissement de la richesse des bases existantes et des apports opérationnels des modèles prennent alors toute leur importance.
2. Le modèle CreditMetrics de JP Morgan
Crée en 1997, ce modèle est le précurseur et aussi la référence en matière de modèle interne d'évaluation de risque de crédit. Il s'inscrit dans l'approche de Merton, et il apprécie le risque de crédit d'un portefeuille global à travers deux facteurs, qui sont, le risque de défaut de la contrepartie à proprement parler, et le risque de dégradation de la qualité de la créance.
Ce deuxième facteur est caractérisé par la mise en ouvre d'une matrice de transition, qui donne les probabilités de transactions d'un rating à un autre pour un horizon donné. C'est donc un modèle « Mark-to-Market ».
Ce modèle cherche à calculer une VaR de crédit, c'est-à-dire la perte potentielle maximale sur un portefeuille de créances pour un horizon et un intervalle de confiance donnés. L'horizon du risque est évidemment un élément capital lors des simulations. Deux horizons sont en général retenus :
- un horizon d'un an
- l'horizon égal à la maturité du portefeuille (date à laquelle le portefeuille de crédit sera totalement échu).
Risque de crédit maximal sur
la durée de vie du swap
0,22
0,20
0,18
0,16
0,14 Risque de crédit à 1 an
0,12
0, 1
0,08
0,06
0,04
0,02
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Sur les opérations de marché, la mise en place de procédures d'appels de marge intermédiaires réduit l'horizon du risque de crédit à la prochaine échéance d'apurement du mark-to-market de la position. Ces procédures s'inscrivent en conséquence dans une politique de réduction du coût du capital réglementaire.
Les changements de qualité des contreparties sont suivis à travers des notations internes et des notations externes. C'est-à-dire celles des agences de rating, et plus particulièrement des migrations d'une notation à une autre. Le modèle ne se limite pas au cas où la contrepartie fait défaut.
Contrairement à la VaR de marché, la VaR de crédit ne suit pas une loi Normale, mais présente une queue de distribution plus épaisse, ce qu'on appelle « fat tails », c'est-à-dire une probabilité non nulle de pertes importantes. Il n'est donc pas possible de caractériser entièrement la distribution à l'aide de l'espérance et de la variance.
2.1 La volatilité de la valeur de chaque instrument en fonction des migrations :
D'une part, il faut collecter des données des agences de rating permettant de construire des matrices de transition, qui indiquent pour chaque notation, la probabilité de passer à chacune des autres notations possibles au cours d'une année. Ces matrices sont des moyennes construites à partir des données historiques, et ne reflètent donc pas l'influence des cycles économiques sur les probabilités de transition. Ceci constitue une limite au modèle CreditMetrics. Il faut également signaler, nous le verrons plus tard qu'il existe également à coté de ce rating externe un rating interne propre aux établissements de crédits.
Matrice de transition de notation sur un an (%)
Notation Notation en fin d'année (%)
Initiale 1(AAA) 2(AA) 3(A) 4(BBB) 5(BB) 6(B) 7(CCC) Défaut
1(AAA) 66,36 22,22 7,37 2,45 0 ,86 0,67 0,14 0,02
2(AA) 21,66 43,04 25,83 6,56 1,99 0,68 0,20 0,04
3(A) 2,76 20,34 44,19 22,94 7,42 1,97 0,28 0,10
4(BBB) 0,30 2,80 22,63 42,54 23,52 6,95 1,00 0,26
5(BB) 0,08 0,24 3,69 22,93 44,41 24,53 3,41 0,71

6(B) 0,01 0,05 0,39 3,48 20,47 53,00 20,58 2,01

7(CCC) 0,00 0,01 0,09 0,26 1,79 17,77 69,94 10,13
Source: Gupton, Finger and Bathia
Leur caractère statique est d'autant plus préjudiciable qu'un changement de notation semble accroître la probabilité de migration ultérieure. Il existe donc une dynamique des migrations qui n'est pas prise en compte par le modèle.
D'autre part, il faut évaluer le changement de valeur induit par une migration d'une note à une autre. Ce changement dépend du taux de recouvrement en cas de défaut et de l'impact d'une migration sur la valeur du contrat. Le taux de recouvrement dépend lui même de niveau de priorité « seniority » attachée à la créance considérée. Une fois de plus, les agences de rating ou le rating interne des banques fournissent des statistiques historiques, mais qui sont affectées comme nous l'avons vu d'une forte volatilité. C'est pourquoi l'écart type du taux de recouvrement est intégré comme un input.
Le problème est que ces données sont largement fondées sur les statistiques des faillites bancaires aux Etats-Unis et cela introduit un biais, car elles ne reflètent pas forcément l composition de tous les portefeuilles et de toutes les législations nationales en matière de faillites.
Enfin, il faut combiner la probabilité de transition et le changement de valeur en cas de transition, afin d'obtenir la distribution de la valeur de chaque instrument et donc la distribution de la valeur du portefeuille, et plus précisément son espérance et sa variance.
2.2 Les corrélations entre les différents instruments permettent d'évaluer la volatilité de la valeur du portefeuille
Le rating des différentes contreparties à l'horizon d'un an est en partie corrélé en raison de la sensibilité des ratings aux mêmes facteurs microéconomiques. Toutefois, les données concernant les corrélations entre deux évènements (migration ou défaut) sont rares et donc peu fiables statistiquement. Pour contourner cet obstacle CreditMetrics adopte une approche fondée sur les corrélations entre les prix des actions. On peut considérer par hypothèse que ces prix intègrent les anticipations des acteurs du marché. Ils ont l'avantage d'être disponibles pour un grand nombre de contreparties et de longues séries chronologiques. Les corrélations entre les évolutions de notation de crédit sont obtenues à partir d'un modèle reliant les actifs nets de la contrepartie aux changements de notation de crédit.
Ce modèle est directement inspiré de celui proposé par R. Merton (« le modèle de la firme »), qui considère la valeur d'une créance comme une option. Si l'on considère que la valeur d'une entreprise suit une distribution donnée, et que la valeur des dettes de l'entreprise est constante, on peut identifier le défaut comme le moment où les actifs de l'entreprise deviennent inférieurs aux dettes. Il est possible de déduire dés lors, la probabilité de défaillance de l'entreprise à partir de la volatilité de la valeur de ses actifs. Cette volatilité va déterminer la probabilité conjointe de défaut des deux contreparties : une corrélation positive entre la valeur des actifs devrait se traduire par une corrélation positive des probabilités de défaut respectives de ces deux contreparties. Finalement, ce modèle permet de relier la valeur de la contrepartie à son rating. Donc, pour estimer les corrélations entre les notations de crédit des différentes contreparties et donc les probabilités de migration, il faut estimer la corrélation entre la valeur des actifs des contreparties, ce qui peut être effectué par l'intermédiaire du cours des actions.
Afin de limiter la taille des matrices de corrélation, CreditMetrics propose de caractériser chaque contrepartie en fonction du secteur et du pays qui sont les plus susceptibles de déterminer son niveau d'activité. La pondération de chaque secteur et de chaque pays est laissée à l'initiative de l'utilisateur. La composante du risque spécifique à chaque contrepartie est prise en compte également. La taille de la matrice de corrélation est ainsi limitée au nombre de pays et de secteurs de l'économie que l'utilisateur a retenu.
Remarque :
Le modèle doit inclure les corrélations entre les crédits, c'est-à-dire les corrélations entre les probabilités de défaut et les corrélations entre les changements de notes. En effet, de nombreux débiteurs peuvent être affectés sur une même période par les mêmes facteurs favorables ou défavorables (croissance ou récession économique par exemple), de telle sorte que les gains ou les pertes potentielles sur les crédits sont probablement corrélées de façon positive. Mais tous les débiteurs ne font pas défaut en même temps, de sorte que la corrélation peut être négative. Il faut donc prendre en compte les effets de la diversification du portefeuille.
2.3 Les résultats du modèle
Lorsqu'on veut calculer le VaR du crédit, un problème se pose. La distribution des gains et des pertes n'est pas assez importante. Pour cela, on utilise une simulation de Monte Carlo calibrée sur les résultats obtenus (la distribution qu'on a obtenue), de manière à générer une distribution plus grande et surtout plus significative. On obtient une distribution finale des gains et des pertes potentiels et donc une distribution des valeurs de marché possibles du portefeuille pour un horizon donné.
Malgré le fait qu'en pratique cette distribution soit caractérisée par un phénomène de « fat tails » c'est-à-dire qu'il y a une certaine asymétrie entre les gains et les pertes, il faut considérer par hypothèse que la distribution est normale. C'est donc une hypothèse forte qui est introduite, car la loi de probabilité suivie par la distribution n'est pas réellement connue. Au final, la VaR de crédit, ainsi calculée peut être comparée au capital de la banque détentrice du portefeuille.
On peut alors définir un intervalle de confiance ou plutôt un seuil de confiance adéquat (à 95%,99% ou 99,99%), c'est-à-dire la probabilité avec laquelle les pertes liées au risque de crédit peuvent dépasser le capital disponible, mettant en danger la solvabilité de la banque.
Exemple :
Si la VaR à 99% est de 300 millions de $ à un an, cela signifie qu'il y a 99% de chances à l'horizon d'un an que la perte maximale sur le portefeuille de crédit soit de 300 millions de $.
Dans la même famille de CreditMetrics il existe également un autre modèle, celui développé par KMV, nommé Portfolio Manager, qui raisonne également en terme de défaut et de dégradation de la qualité d'un crédit, due à un changement de notation.
En dernier lieu, CreditMetrics nécessite de nombreuses statistiques pour les matrices de transition. Elles sont établies par le rating externe et interne que nous allons à présent étudier.
3. Nécessité d'un rating externe et interne
3.1 les agences de notation financière :
Les agences de notation sont des entités indépendantes dont le rôle est de délivrer une opinion objective, publique et continue sous forme de publication de notations de crédit pour évaluer le risque de crédits d'émetteurs, de titres de créances ou assimilés.
Les trois agences de notation les plus reconnues sont : Moody's, Standard & Poor's et Fitch Ratings adoptant chacune une méthodologie standardisée et bien spécifique.
La notation, concerne à la fois des émetteurs (entreprises, établissements de crédit, sociétés financières, Etats souverains...), des véhicules de titrisation, et tous les types de dette financière (certificats de dépôts, billets de trésorerie, obligations de premier rang ou subordonnées, prêts bancaires, ainsi que certains titres hybrides).
L'échelle de notation comporte une vingtaine de notes, allant du "triple A" désignant une qualité maximale jusqu'à "D" et qui dénote une situation de défaut de paiement. Cependant la correspondance entre les échelles de notation des différentes agences n'est qu'apparente, la signification des notes diffère d'une agence à l'autre.
A ce titre, le tableau ci-joint donne une représentation détaillée des grilles de notations à court terme et à long terme fournie par chacune des trois agences de notation : Moody's, Standard & Poor's et Fitch Ratings.
Les agences de notation se forcent d'évaluer la capacité d'une entreprise à honorer ses engagements et apprécier les risques de crédit. Pour ce faire, elles doivent estimer sa capacité de crédit à partir des comptes publiés, analyser les opérations de marché figurant en hors bilan, suivre les créances douteuses et provisions. Elles doivent également considérer l'environnement dans lequel évolue l'entreprise ainsi que les facteurs internes de celle-ci.
Le travail nécessite un rapprochement entre les données comptables et les données de gestion, répartition des informations entre annexe et rapport de gestion, ventilation des encours par secteur économique, géographique, catégories de contreparties.  
Le risque de solvabilité peut être mesuré à partir d'une analyse financière classique de la situation de l'emprunteur ou la mise en ouvre de techniques de Credit Scoring. Il existe des organismes spécialisés dans ce type d'analyse délivrant une note "rating" qui reflète la qualité de la signature de l'emprunteur. Pour sa part, la "Coface" note les dettes commerciales de moins de 6 mois et d'une valeur maximale de 100 000 €. Nous verrons en détail ces techniques de Credit Scoring dans le paragraphe suivant.
Pour ce qui concerne, l'analyse de la situation financière de l'entreprise, les analystes s'intéressent principalement au niveau d'endettement et à la capacité de l'entreprise à dégager des cash-flows sur une base récurrente. La liste des ratios utilisés est longue, mais l'analyse se focalise essentiellement sur un certain nombre de ratios-clefs : Endettement financier net/ (fonds propres, CAF ou EBE), Couverture des frais financiers/EBE, Résultat opérationnel/chiffre d'affaires, Résultat net/fonds propres.
Cependant, le ratio d'endettement financier net/CAF (ou EBE) est probablement le ratio le plus discriminant, car il associe les deux éléments influençant le plus la note à savoir le niveau d'endettement et la capacité de l'entreprise à générer des cash flows.
Depuis quelques années, on assiste en Europe, à une institutionnalisation progressive de la notation. Les notes publiées par les agences sont de plus en plus utilisées par les émetteurs, mais également par les banques afin de gérer leurs risques de contrepartie et leurs risques de crédit. Récemment, des outils de gestion quantitative du risque de crédit se sont développés, avec notamment l'apparition de modèles de quantifications de pertes sur des opérations de crédit, utilisant les notes comme moyen de mesure du risque de crédit (il s'agit notamment de CreditMetrics, développé par JP Morgan).
Ainsi la reconnaissance des investisseurs et des banques est la preuve que l'apport des agences de notation dans la détection du risque de défaut est incontestable.
Moody's
S&P
Fitch
Commentaire

Long Terme
Court terme
Long Terme
Court terme
Long Terme
Court terme

Aaa
P-1
AAA
A-1+
AAA
A1+
"Prime". Sécurité maximale

Aa1
AA+
AA+
High Grade. Qualité
haute ou bonne

Aa2
AA
AA

Aa3
AA-
AA-

A1
A+
A-1
A+
A1
Upper Medium Grade.
Qualité moyenne

A2
A
A

A3
P-2
A-
A-2
A-
A2

Baa1
BBB+
BBB+
Lower Medium Grade.
Qualité moyenne
inférieure

Baa2
P-3
BBB
A-3
BBB
A3

Baa3
BBB-
BBB-

Ba1
Not Prime
BB+
B
BB+
B
Non Investment Grade.
Spéculatif

Ba2
BB
BB

Ba3
BB-
BB-

B1
B+
B+
Hautement spéculatif

B2
B
B

B3
B-
B-

Caa
CCC+
C
CCC
C
Risque substantiel.
En mauvaise condition

Ca
CCC
Extrêmement spéculatif

C
CCC-
Peut être en défaut

/
D
/
DDD
/
En défaut

/
DD

/
D
1/ Echelles de notation fournies par les trois agences de notation les plus reconnues.
3.2 Le rating externe
La notation financière est aujourd'hui le passage obligé de toute émission obligataire, tant sur le marché des capitaux traditionnels que sur les marchés émergents. Cette notation consiste en une appréciation, par une agence indépendante, du risque de défaillance de l'emprunteur.
Les agences attribuent au moment du lancement d'une émission, une note faisant l'objet d'un suivi régulier, jusqu'au remboursement. Leur décision se fonde en partie sur des informations publiées sur l'émission, l'entreprise, le contexte économique et sectoriel. Les agences ont également accès, lors des visites, d'entretiens avec les principaux dirigeants, à des éléments d'informations plus confidentiels sur les performances, la finance, les projets et perspectives de l'émetteur.
Les banques se basent sur leurs notes pour apprécier les probabilités de défaut des émetteurs car ces notes sont publiques, c'est l'émetteur lui-même qui paye les agences de notation.
Il n'est donc pas nécessaire que les banques évaluent par elles mêmes le risque de ces entreprises car d'une part, cela leur reviendrait cher alors que l'information est gratuite, et d'autre part, la fiabilité des notes des ces agences est reconnue par tous.
Le problème se pose différemment en ce qui concerne les entreprises de taille plus modeste, qui ne sont pas notées par ces agences. En fait, seulement 15% des entreprises européennes sont notées par des agences de notation, ce qui montre la nécessité pour les banques d'établir un système de rating interne performant.
3.3 Le rating interne
Ces notations internes évaluant le degré de risque des contreparties proviennent d'évaluations effectuées par les banques selon différentes méthodes classiques, dont le scoring et l'analyse financière.
3.3.1 L'analyse discriminante ou scoring
L'analyse discriminante est une technique de d'analyse financière des prédictions des défaillances d'entreprises, basées sur les ratios financiers et économiques. Cette technique est apparue aux Etats-Unis dans les années 60 et est associée au nom du professeur Altman. Son modèle s'est vite répandu en s'enrichissant de quelques améliorations et est beaucoup plus connu sous le nom de « Credit scoring »
Le modèle du scoring synthétise un ensemble de ratios pour parvenir à un indicateur unique qui permet de distinguer les entreprises saines des entreprises défaillantes.
Sur un ensemble de `n' entreprises divisé en deux sous ensembles (entreprises saines et entreprises défaillantes), on mesure `k' ratios et on construit une variable Z, combinaison linéaire de ces ratios, telle que les valeurs prises par cette variable soient les plus différentes possible d'un sous-ensemble à l'autre.
Z = a.R1+b.R2+c.R3+d.R4+e.R5
Chaque coefficient a, b, c, ... représente une pondération.
Ces scores, lorsqu'ils sont élevés, représentent une situation satisfaisante, et un risque de défaillance quand ils sont faibles.
La combinaison Z possède donc un pouvoir séparateur robuste entre les entreprises défaillantes et saines, mais il existe une zone de recouvrement entre les deux sous ensembles qui peut entraîner des erreurs. La variable Z devra donc comporter des ratios dont on s'assure de l'indépendance statistique.
Un nombre extrêmement important d'études a été mené sur ce sujet, qui ont proposé des formulations différentes des scores. Nous avons retenu dans cette étude deux d'entre elles, la formule originale d'Altman et celle de la banque de France.
3.3.2 Formule d'Altman
Z = 1,2 X1 + 1,4X2 + 3,3X3 + 0,6X4 + 0,9X5
Avec :
· X1 = fond de roulement /actif total
· X2 = réserves / actif total
· X 3 = EBE / actif total
· X4 = fonds propres / actif total
· X5 = CA / actif total
Altman détermine une valeur critique Z = 2,675 ; ce qui l'amène à la conclusion suivante :
Si Z < 2,675, alors l'entreprise est considérée comme défaillante
Si Z> 2,675, alors l'entreprise est considérée comme saine
3.3.3 Formule de la Banque De France « BDF »
100Z=-1,255X1+2,003X2-0,824X3+5,221X4-0,689X5-1,164X6+0,706X7+1,408X8-85,
Avec :
· X1 = frais financiers / EBE
· X2 = ressources stables : actif économiques
· X3 = CA : endettement
· X4 = EBE : CA HT
· X5 = dettes commerciales /achats TTC
· X6 = taux de variation de la valeur ajoutée
· X7 = (stocks + CLIENTS - avances clients) / production TTC
· X8 = investissements physiques / valeur ajouté
Si Z > 0,125 : l'entreprise est normale
Si Z< -0,250 : l'entreprise a des caractéristique comparables à celles des défaillants durant leurs dernières années d'activités.
Si -0,250 <Z<0, 125 : l'entreprise est en zone d'incertitude
La BDF fait un lien entre les sources et probabilités de défaillance de l'entreprise :
Intervalle de score Z
-1,875
-0,875
-0,25
-1,125
+0,625
+1,25

Probabilité de défaillance
30,4%
16,7%
7%
3,2%
1,8%
0,5%
La méthode des scores permet d'obtenir rapidement une première indication sur le degré de vulnérabilité d'une entreprise, mais c'est une méthode d'évaluation des risques toutefois très limitée, dont le principal défaut est d'être une analyse statique, une photographie en quelque sorte de la situation d'une entreprise à un instant t, et qui n'apporte aucune information quand aux perspectives d'évolution de cette entreprise. C'est pourquoi cette technique doit être utilisée avec d'autres méthodes d'analyse et notamment un diagnostic financier classique.
3.3.4 L'analyse financière classique
Il s'agit d'évaluer la santé financière de l'entreprise à partir de tous les documents dont dispose la banque. Elle est effectuée dans les banques par les analystes crédit.
Nous ne rentrerons pas dans le détail, dans le cadre de cette étude, des méthodes d'analyse financière, mais il est important de bien noter que cette analyse sera orientée vers une évaluation du risque de défaillance de l'entreprise. On peut dans l'ensemble la décomposer en plusieurs étapes :
ü Détection des points de risque dans le bilan
ü Analyse du FR et de BFR
ü Etude des ratios indicateurs du risque d'insolvabilité
ü Analyse du tableau de financement
ü Prévision de l'évolution de la trésorerie
Cette analyse détaillée de l'entreprise, complétée par d'autres méthodes d'évaluation du risque de défaillance, comme le scoring, permettent aux banques de mettre en place un système de rating interne. Ce rating leur sert à évaluer les montants des lignes de crédit qu'elles accordent à chaque client en fonction du degré d'exposition au risque qu'elles désirent obtenir

Paragraphe 2 : Les modèles complémentaires d'évaluation

Parmi les modèles d'évaluation du risque de crédit, à ce jour, les plus performants et les plus utilisés, figurent les modèles CreditRisk+ (développé par le crédit suisse) et Credit portfolio View (développé par Mc Kinsey). Le premier a pur but d'appréhender le risque de défaut seul, selon une approche commune à celle de la VaR utilisée dans le modèle de CreditMetrics. Le second propose en revanche une approche radicalement différente puisque basée sur des facteurs macro-économiques, bien que, comme le CreditMetrics, cherchant à évaluer la perte potentielle résultant des risque de défaut et de dégradation d'une créance, toujours selon le principe de la VaR. contrairement à CreditMetrics, ces deux modèles calculent une VaR dans le sens d'une perte potentielle, mais ce calcul s'inscrit dans une autre méthodologie que celle de la VaR classique.
1. Credit Portfolio View de Mc Kinsey
L'originalité de cette approche réside dans la construction d'un modèle de prévision du risque systémique de défaut. La probabilité de défaut est alors directement corrélée à l'évolution des variables macro-économiques. Le modèle se compose donc de deux parties :
Le modèle d'évaluation du risque systémique, qui décrit la probabilité de défaut et de migration de l'environnement économique, et une méthode qui vise à tabuler la distribution des pertes d'un portefeuille en fonction de ce risque systémique plutôt qu'en fonction des données moyennes d'agences de rating, calculées sur des nombreuses années et ne reflétant donc pas forcement la position de l'économie dans le cycle de croissance.
Le modèle suppose que l'exposition liée à chaque transaction a déjà été calculée et fait donc partie des données disponibles. Comme le plupart des modèles d'évaluation du risque de crédit, Credit Portfolio View repose sur le calcul de deux statistiques servant à caractériser la distribution des pertes :
· L'espérance des pertes (expected losses) ou moyenne de distribution : elle permet d'évaluer les prévisions qu'il est nécessaire de constituer pour faire face aux pertes anticipées.
· Le capital nécessaire pour faire face au risque de crédit (Credit Risk Capital ; CRC) : il peut être défini comme la perte maximale du portefeuille pour un intervalle de confiance et un horizon donnés. En outre le CRC doit permettre d'appréhender les coûts liés à chaque transaction, et donc la contribution au risque global de chacune d'entre elles (cette contribution voulant alors être intégré dans le calcul de la tarification associée à chaque transaction).
1.1 Observations relatives à la modélisation du risque systémique
1.1.1 La diversification du portefeuille réduit l'incertitude qui affecte les pertes
Cette observation est empiriquement bien reconnue, et est à la base de la théorie de gestion des portefeuilles. Statistiquement, elle permet de réduire le variance (ou incertitude) des pertes. En théorie, la diversification optimale d'un portefeuille doit permettre d'annuler tout risque, excepté le risque systémique, et donc de rendre nulle la variance des pertes. Cependant, la diversification d'un portefeuille de créance se fait souvent vers de nouveaux marchés où la qualité intrinsèque des contreparties est moindre.
1.1.2 `Le risque systémique'
Le risque systémique non diversifiable, est lié à la volatilité du niveau général du taux de défaut plutôt qu'à la volatilité de la défaillance de chaque contrepartie (pour un portefeuille parfaitement diversifié).
1.1.3 Le risque systémique est déterminé par les variables macro-économiques
Thomas Wilson (1997) a montré que les variables macro-économiques expliquaient la plus grande part de la volatilité des taux de défaut moyens. Il a modélisé les taux de défaillance des contre parties de moindre qualité (the speculative grade) à l'aide d'une fonction Logit. La variable expliquée `pj.t' est donc le taux de défaillance, tandis que la variable explicative `yj.t' est un indice composite spécifique à chaque pays j, calculé à partir de variables macro-économiques.
Pj.t = 1/ (1+exp (yj.t))
Le choix d'une fonction Logit plutôt que d'une fonction linéaire ou exponentielle s'explique par le fait qu'elle permet d'obtenir une probabilité p comprise entre 0 et 1, quelle que soit la valeur de l'indice y. En outre, le coefficient de régression R², qui mesure la part de la volatilité totale expliquée par le modèle atteint plus de 90% pour la plupart des pays du G7, lors de l'utilisation d'une fonction Logit. Les résultats obtenus sont donc bien meilleurs qu'avec une fonction linéaire ou exponentielle.
Seul les Etats-Unis (R² = 82,6%) et le Royaume-Uni (R² = 65,2%) obtiennent des fonctions de régression plus faibles, dus selon l'auteur à la taille de son économie pour l'une, et à l'ouverture de son économie pour l'autre.
Il reste à définir l'indice composite yj.t qui mesure l'état de santé de l'économie. Il est construit à partir de variables telles que le taux de croissance du PIB, le niveau de chômage, le taux d'intérêt... Empiriquement, on constate qu'il suffit d'avoir recours à trois variables explicatives différentes dans la plupart des cas, en raison de la colinéarité des autres variables.
yj.t = bj.0 + bj.1×Xj1.t + b.j2×Xj2.t + b.j3×Xj3.t + vj.t
Où :
- yj.t est l'indice macro-économique spécifique au segment j à l'instant t. nous verrons plus bas que le segment désigne à la fois le pays et le secteur économique.
- bji est l'ensemble de paramètres à estimer pour chaque segment j. Ceci est effectué par la méthode des moindres carrés ordinaires.
- xji.t est l'ensemble des variables explicatives à l'instant t pour chaque segment j.
- vj.t est un bruit blanc : vj.t ~ N (0, ój). C'est ce terme d'erreur qui introduit un risque spécifique à chaque segment.
Les différents secteurs économiques ne réagissent pas de la même façon au cours du cycle économique ; en effet, certains secteurs sont plus sensibles aux variations de la conjoncture que d'autres.
Aussi, les migrations des notations des agences du rating évoluent au cours des cycles. Tout comme les défaillances d'entreprises, les migrations à la baisse des notations sont plus nombreuses dans une phase de récession. Le point de départ du modèle est alors une matrice de transition öM inconditionnelle, c'est-à-dire donnant la probabilité moyenne de migration au cours d'un an. Cette matrice est inconditionnelle car elle est calculée à partir de nombreuse années de données, quel que soit le secteur ou le pays : les probabilités varient donc, comme les ratings, en fonction du risque économique seul.
Il s'agit par la suite de transposer cette matrice inconditionnelle en matrice conditionnelle M (pt /öp), c'est-à-dire fonction du taux de défaut courant des contreparties de type « spéculative grade ». En effet, Credit Portfolio View repose sur la corrélation qui existe entre les migrations et ce taux de défaut. Si le rapport (pt / öp) entre le taux de défaut courant et le taux moyen est supérieur à 1 (c'est-à-dire s'il y a plus de défauts qu'en moyenne), les probabilités de la matrice de transition seront plus élevées du coté des baisses des notations et des défauts que pour la matrice moyenne inconditionnelle.
1.2 Construction du modèle de risque systémique
1.2.1 Caractérisation de l'état de l'économie
Les variables macro-économiques servant à caractériser l'état général de l'économie sont modélisés sous la forme suivante :
Xj.i.t = k.i0 + k.i1×Xj.t1 + k.i2×Xj.t2 + å.ji.t
Où :
- Xji.t est la valeur de la ième variable macro-économique pour le segment j à la date t.
- K.ij (j = 1 à 3) : 3 constantes à estimer pour chacune des i variables macro-économique
- å.ji.t le terme d'erreur, qui suit une loi normale N (0, ó j)
Les paramètres constants k sont estimés à partir de données historiques. On constate que les erreurs sont corrélées, ce qui rend nécessaire l'évaluation de la matrice de covariance des termes d'erreurs :
å ~ N (0, Ó å) où Ó å est la matrice variance-covariance des termes d'erreur
1.2.2 Construction de l'indice de défaut de chaque segment
La modélisation des variables a pour but de déterminer leur évolution et de permettre ainsi la construction d'un indice yj.t représentatif de la santé de l'économie de chaque segment de j. La probabilité de défaut des émetteurs de niveau « spéculative grade » est ensuite calculée à l'aide de la fonction Logit.
1.2.3 Tabulation des indices en fonction des probabilités de défaut cumulées
A partir des matrices de transition conditionnelles à un an, il est possible d'obtenir la matrice de transition cumulée pour t années en faisant le produit des t matrices annuelles :
Mt = Ði = 1...t M (pt/öp)
Où :
- pt est la probabilité de défaut observée (t<0) ou prévue (t>0) à l'instant t
- öp est la probabilité de défaut moyenne pour un emprunteur de niveau « speculative grade »
On peut ainsi obtenir la probabilité de défaut cumulée et, plus généralement, les probabilités de migration, pour chaque secteur/ pays et n'importe quel horizon, conditionnellement à l'état de l'économie.
1.2.4 Tabulation des pertes d'un portefeuille en fonction de l'état de l'économie
Le modèle de Mc Kinsey considère le temps comme une variable discrète (1 pas = 1 année). Les matrices de transition cumulatives sont donc calculées pour chaque année. La distribution des pertes est obtenue par un processus comparable à un tirage parmi le nombre des états de l'économie et pour chaque secteur de l'économie, ces probabilités étant alors indépendantes par rapport aux autres et ne dépendant que des états de l'économie, le modèle agrège ces probabilités conditionnelles (à l'état de l'économie) en distribution des pertes non conditionnelles.
Si chaque segment est assez diversifié, le risque de ce segment tendra vers le seul risque systémique, et la distribution des pertes de ce segment convergera vers la distribution induite par l'indice calculé par ce segment. En raison de la loi des grands nombres, la distribution des pertes de l'ensemble du portefeuille convergera vers la perte moyenne anticipée pour l'état de l'économie effectivement atteint.
Les limites du modèle reposent notamment sur l'existence de transactions telles que le swap dont l'exposition varie au cours du temps et qui nécessite de déterminer la date de défaut pour évaluer la perte. Ce type de transactions impose de calculer des probabilités de défaut marginales, c'est-à-dire pour chaque année successivement et non pour une seule année.
En outre de nombreux instruments financiers pouvant être liquidés au jour le jour, les variations de leur valeur doivent être prise en compte au jour le jour (mark-to-market). Cette valeur peut être affectée par un abaissement / une amélioration de la notation de la contrepartie, et c'est pour cela que le modèle McKinsey s'attache à prendre en compte et à modéliser le risque de migration (et non le seul risque de défaut), tout en ne précisant pas comment calculer la corrélation entre probabilité de défaut et probabilité de migration.
2. Le modèle CreditRisk+ de crédit suisse
Les modèles de risque de crédit sont de deux types :
- La première approche s'appuie sur l'existence de marchés secondaires et la possibilité de réévaluer en permanence chaque transaction (mark-to-market). Il est alors nécessaire de prendre en compte l'évolution de la valeur de chaque instrument en fonction de l'évolution de la qualité de crédit de la contrepartie. Cela est généralement réalisé grâce à une matrice de transition, qui donne les probabilités de transition d'un rating à un autre pour un horizon donné. Cette approche est retenue par les modèles Credit Portfolio View de Mc Kinsey et CreditMetrics de JP Morgan examinés dans les sections précédentes.
- La seconde limite aux cas où la contrepartie fait défaut au cours de l'horizon de modélisation. Seules deux alternatives sont envisagées : défaillance ou non défaillance. S'il n'y a pas défaillance au cours de l'horizon considéré, cette approche considère qu il n'y a pas de perte de « crédit ». Elle s'applique bien aux portefeuilles de prêts bancaires, qui sont en général illiquides et détenus jusqu'à maturité. Dans ce contexte, la valeur d'un prêt est égale à sa valeur comptable. C'est cette approche qui est retenue par le modèle CreditRisk+ présenté ci-après.
2.1 Type de modèle et données nécessaires
2.1.1 Le type de modèle
La corrélation que l'on constate entre les probabilités de défaut est souvent le résultat d'un lien commun avec une troisième variable, telle que l'état de l'économie. Les effets de cette corrélation sont intégrés directement dans le modèle de Credit suisse, au travers de la volatilité des probabilités de défaut. Ainsi, les corrélations apparaissent comme un « output » du modèle plutôt qu'un « input ».
CreditRisk+ ne cherche donc pas à modéliser les causes de défaut. Comme pour l'évolution des prix dans un modèle de risque de marché, les taux de défaillance sont considérés comme des variables aléatoires continues. L'incertitude concernant le niveau des probabilités de défaut est prise en compte au travers de la volatilité des probabilités de défaut. Les modèles cherchant à dériver les probabilités de défaut des variables macro-économiques présentent l'inconvénient de ne pas pouvoir être testés, en raison du faible nombre de défauts. De plus, il est peu probable que la relation entre variables macro-économiques et probabilité de défaut reste stable au cours de plusieurs années.
CreditRisk+ est un modèle qui se limite à la modélisation de la probabilité de défaut, sans tenir compte des conséquences d'une détérioration de la qualité de la contrepartie, c'est-à-dire d'une « migration » d'une notation à une autre. En effet deux types de risque de crédit sont distingués :
- le risque de « spread »
- le risque de défaut
Et c'est ce dernier risque que cherche à modéliser CreditRisk+.
C'est à partir des prix de marché des obligations et des actions, qui reflètent les anticipations des investisseurs quant à la qualité de la contrepartie, que la probabilité de défaut d'une contrepartie est estimée. De ce fait, cette probabilité peut être considérée comme une variable aléatoire continue. Pour caractériser la distribution de la probabilité de défaut, il faut alors disposer de l'espérance et de la variance de la probabilité de défaut de chaque contrepartie.
2.1.2 Les données requises par ce modèle sont les suivantes
- Le montant exposé au risque de crédit
- Les probabilités de défaut de chaque contrepartie
- Les volatilités (écart-types) de ces probabilités de défaut
- Le taux de recouvrement en cas de défaut
2.2 Le modèle
La probabilité de défaut est représentée par une loi de Poisson car il y a un risque de défaut de la part d'un grand nombre de contreparties, mais la probabilité de défaut de chaque contrepartie est faible. Pour obtenir la distribution des pertes, il faut intégrer la perte en cas de défaut pour chacune des contreparties. Contrairement à la variation de la probabilité de défaut entre les contreparties, qui n'influence pas la distribution du nombre total de défauts, la variation de l'exposition se traduit par une distribution des pertes qui n'est pas de type loi de Poisson en général. Afin de limiter le nombre de données nécessaires, deux étapes sont distinguées :
- 1ère étape : l'exposition ajustée en fonction du taux de recouvrement anticipé, de façon à calculer la perte en cas de défaut.
- 2ème étape : les expositions, nettes du taux de recouvrement, sont regroupées selon des classes d'exposition correspondant chacune à un niveau de risque.
2.2.1 Le risque de concentration
L'application la plus simple de CreditRisk+ consiste à effectuer toutes les contreparties à un seul secteur. Cela revient à supposer qu'un seul facteur systémique affecte la volatilité de la probabilité de défaut de chaque contrepartie. Mais il est également possible de considérer que la probabilité de défaut de chacune des contreparties est influencée par plusieurs facteurs simultanément. Chaque contrepartie sera alors repartie sur plusieurs secteurs.
Plus le portefeuille sera diversifié, moins il y aura de contreparties dans chaque secteur.
2.2.1 Le capital économique
A l'instar de CRC du modèle Credit Portfolio View, la volatilité des pertes se traduit par des pertes non anticipées. Celles-ci seront couvertes par le « capital économique ». La connaissance de la distribution des pertes permet de déterminer le niveau du capital exposé au risque de défaut en détenant un portefeuille donné. Le capital économique sera déterminé en fonction de l'intervalle de confiance avec lequel l'entreprise qui détient ce portefeuille souhaite travailler.
Le modèle permet de déterminer le niveau des prévisions nécessaires pour couvrir les pertes moyennes au cours de plusieurs années. Il permet également d'améliorer la gestion du portefeuille, en déterminant la contribution de chaque transaction au risque total. Le plus souvent, quelques transactions sont responsables d'une proportion importante du risque total.
Il est alors possible de minimiser l'exposition à ces contreparties, soit en liquidant la position, soit en ayant recours à l'un des procédés suivants :
- Faire appels à des garanties (collatérisation)
- Procéder à une titrisation (transformation de l'actif en obligations)
- Utiliser des dérivés de crédit, afin de se séparer du risque de contrepartie tout en conservant la relation avec le client.
L'objectif premier lors de la mise en place d'un modèle de risque de crédit va être de déterminer la distribution de pertes dues au risque de crédit, afin d'en déduire l'espérance ainsi que les différents quantiles. On retiendra par exemple le 99 centile pour estimer la consommation de fonds propres, dues au risque de crédit. La connaissance de la distribution nous permet d'obtenir ainsi les différents éléments suivants :
Perte correspondant à
l'intervalle de confiance
de 99%
Espérance de pertes
Probabilité

Quantifié par des analyses
en stress-test ou scénario
Pertes non anticipées qui doivent être couvertes par du capital
économique
Couvert par les
provisions et la tarification des créances
 

perte
 
 
 

Paragraphe 3 : Les faiblesses de la modélisation du risque de crédit

Bien que leurs démarches théoriques et leurs mises en oeuvre soient différentes, ces modèles ont tous pour but commun la détermination du capital économique des institutions financières. Au-delà de leur particularisme, se pose ainsi la question de la pertinence et de la robustesse de leurs résultats de mesure du risque.
L'apparition de ces modèles a favorisé la possibilité pour les institutions financières de déterminer les risques de crédit et les charges en capital à partir de leurs propres modèles, sous la supervision de leurs instances de réglementations nationales.
Le risque de modèle se définit comme le risque associé à l'utilisation d'un modèle non conforme à la réalité. Ce risque trouve sa source dans, notamment, deux aspects dans le cas du risque de crédit :
Ø Problème de manque de données
Ø Problème de choix dans le paramétrage
Concernant les données, il est nécessaire de segmenter plus ou moins finement le portefeuille en classe aux propriétés statistiques homogènes -démarche qui reste subjective- pour lesquelles on applique les mêmes propriétés statistiques (probabilités de défaut et taux de recouvrement). Or, si en pratique les banques peuvent disposer de données conséquentes sur leurs différentes activités (détail, corporate...), leur historique de données sur les profils de risque via les ratings internes est encore souvent trop court (quelques années au maximum) pour couvrir plusieurs cycles de crédit et dégager les lois suffisamment solides. La pertinence du paramétrage est donc étroitement liée à la disponibilité statistique.
Pour faire face à ces « blancs » dans les données, il faut avoir recours à des extrapolations plus ou moins fortes, des approximations arbitraires qui peuvent avoir un impact non négligeable dans la mesure finale du risque et de la solvabilité de la banque, d'autant plus que les seuils de confiance requis sont élevés. L'utilisation des matrices de transition américaines appliquées à d'autres pays est un exemple des plus marquants.
Un certain nombre de paramètres doit être spécifié pour qu'un modèle puisse fonctionner. Plus le nombre de paramètres est élevé, plus le risque de modèle est important. Le paramétrage concerne notamment la forme de distribution des facteurs du risque et leurs volatilités. Ces choix ont un impact important sur les queues de distribution et, par conséquent, sur la constitution du capital économique.
Pour toutes ces raisons, le comité de Bâle a invité les banques à continuer leurs réflexions sur les modèles de crédit, d'autant plus que les procédures de backtesting sont beaucoup plus délicates que pour le risque de marché. Alors que ces derniers emploient un horizon de prévision de quelques jours, les modèles de crédit estiment un risque sur un an ou plus. La longueur de l'horizon retenu, couplé à un seuil de confiance requis plus élevé, rend le contrôle qualitatif de véracité du modèle, beaucoup plus long et difficile.
Les multiples problèmes auxquels sont confrontés les modèles qui viennent d'être présentés ne doivent pas masquer leur intérêt. En effet, la construction d'une VaR de crédit constitue d'abord un cadre de collecte et de suivi des positions. Cette démarche est ainsi un préalable nécessaire à un pilotage stratégique optimal du risque de crédit, qui permettrait une bonne maîtrise de l'impact de ce dernier sur l'efficience et la rentabilité des banques.

Chapitre 2 : Le risque de crédit, sa maîtrise, et son impact sur la rentabilité bancaire

Depuis le début des années 80, les systèmes bancaires d'un grand nombre de pays ont connu des crises financières d'une ampleur considérable.
Selon une étude faite par Goodhart.C (1997)6(*). L'auteur a recensé depuis 1980, 41 crises bancaires et 108 problèmes importants touchant au total 133 pays sur 181 pays membres du FMI.
Ce qui laisse à penser qu'aucun pays n'est épargné. Les origines de ces difficultés bancaires nouvelles sont « la promptitude de la déréglementation, la déficience des systèmes du contrôle interne des risques et la carence de la discipline du marché » selon Garcia G. (1996)7(*).
En effet, les disfonctionnements importants survenus sur le marché bancaire proviennent essentiellement du changement brutal des règles du jeu, et l'inaptitude des agences de crédit de se prémunir des risques auxquels elles s'exposent.
Nous nous intéresserons dans ce deuxième chapitre à étudier l'impact de l'évènement de crédit sur la rentabilité des établissements financiers, après avoir présenter dans un premier temps les procédures suivies dans la maîtrise et le transfert du risque de crédit.

Section 1 : La maîtrise du risque de crédit dans la banque

* 6 Goodhart .C « Financial regulation in the global economy » Oxford Univ. Press 1997
* 7 Garcia .G «Bank soundness and macro economic policy» 1996

Paragraphe 1: La gestion d'un portefeuille de crédit

1. Mesure d'une performance ajustée pour le risque de crédit :
Reprenons l'exemple de calcul de la VaR de la page 128(*), nous avons fixé le capital économique à 30, soit environ 2 fois la volatilité des pertes. Supposons que le revenu net du coût de la dette, des frais généraux et de la perte statistique est de 5.
Cette rentabilité comptable n'est pas ajustée pour le risque. Que les clients soient des sociétés financières solides ou des PME risquées ne change rien à une telle mesure de performance. Pourtant, la différence est de taille. Un risque élevé aujourd'hui se traduira par des pertes futures que le résultat comptable ne peut pas capter.
Comment ajuster le revenu pour le risque ? C'est la question à laquelle nous allons essayer de répondre.
Il suffit de rapporter le revenu net au risque de crédit, mesuré par le capital économique. Ce ratio, connu sous le nom de  RAROC, ou « Risk Adjusted Return on Capital ».
RAROC = revenu net au risque / capital économique.
Dans notre exemple il est de 5/30 = 16,67% avant impôts.
Ce ratio permet de définir un seuil de rentabilité minimal.
Par exemple, s'il faut procurer aux fonds propres une rentabilité de 12% après impôts, soit environ 20% avant impôts, il faudrait que ce ratio soit supérieur à 20%.
En valeur absolue, ce ratio est tributaire du multiple de la volatilité des pertes qui a conduit au capital de 30. Mais si ce capital économique est globalement réconcilié avec celui de la banque, on peut dire que le seuil de rentabilité est correct. En outre, l'utilisation d'un multiple commun à toutes les mesures les rend comparables entre activités.
Dans cet exemple la rentabilité semble insuffisante. Ce n'est pas nécessairement le cas, si l'on considère qu'il s'agit de celle d'une entité parmi d'autres d'une même banque, il faut dans ce cas réduire la consommation du capital de 30 à cause de l'effet de la diversification.
2. La mesure de l'effet de diversification sur un portefeuille de crédit
La VaR permet de quantifier l'effet de la diversification obtenu en consolidant les risques des diverses entités. Il suffit de prendre l'exemple des deux centres de responsabilité, spécialisés géographiquement ou par industrie. Nous pouvons espérer que si l'un se porte mal, il n'en va pas nécessairement avec l'autre. Comment mesurer dans ce cas l'économie des risques, donc des fonds propres, liés à cet « effet portefeuille » ?
Les caractéristiques des deux activités sont les suivantes :
· Les engagements, 1000 pour A et 1000 pour B
· La volatilité des taux de défaut est de 1,5% pour A et 3,5% pour B
Les risques étant indépendants. Nous laissons de côté la perte statistique supposée déduite des marges. Les volatilités des pertes sur A et B sont respectivement de 1,5%×1000 = 15 et de 3,5%×1000 = 35.
Avec un multiple de 2, chacune consomme respectivement le double, soit 30 pour A et 70 pour B. Mais le risque ne s'additionne pas arithmétiquement. Deux risque de 1 font en général un risque total inférieur à 2.
Avec les volatilités les calculs sont simples. Il faut connaître le degré d'association entre le risque de A et celui de B. Nous supposons dans notre exemple qu'ils sont indépendants pour la simplification. Dans ce cas la volatilité de perte de A+B est inférieure à la somme des volatilités, soit 15+35 = 50. Les règles statistiques montrent qu'elle est égale à 38,08.
Ce chiffre est inférieur à 50. L'écart 50-38,08 = 11,92 est le gain de risque imputable à la diversification ; ce gain est immédiatement traduisible en fonds propres, donc en rentabilité. Ainsi, au lieu d'avoir besoin de 2×50 = 100 de fonds propres, il suffit de 2×38,08 = 76,16 pour couvrir des risques diversifiés de portefeuille A+B, soit un gain de 23,84.
3. L'allocation des fonds propres globaux
Si les fonds propres globaux deviennent 76,16, chaque secteur consomme moins de fonds propres qu'il n'y parait à première vue. C'est-à-dire, la contribution de A au risque global du portefeuille de crédit est inférieure à son risque « isolé ».
La détermination de ces allocations des fonds propres globaux, se fait selon une règle simple est intuitive qui consiste à les effectuer au prorata des risques isolés, soit 30 et 70 pour A et B respectivement. Les allocations des fonds propres globaux sont alors de 30% pour A et 70% pour B, soit respectivement, 22,85 pour A et 53,31 pour B. Le Total est de 76,16 au lieu de 100.
La rentabilité ajustée par le risque pour A s'est donc améliorée. Les 5 de revenu net n'ont pas à être rapportés à 30, car il s'agit d'un risque « isolé », c'est-à-dire non diversifié de A, mais à 22,85. La rentabilité ajustée pour le risque devient 5 /22,85 = 21,90% au lieu de 16,67% pour risque isolé. Elle est devenue supérieure au seuil de 20%. Cela suppose que les fonds propres réels de la banque sont égaux au capital économique de 76,16.
4. La réallocation de limites
La banque dispose toujours de 76,16 de fonds propres, mais elle voudrait réallouer ses engagements entre A et B. Les comités des engagements fixent des autorisations en encours de 1000 sur A et 1000 sur B.
Si l'autorité sur B, le secteur le plus risqué, est réduite de 100, de combien peut on augmenter celle de A ?
Un calcul approximatif suffit en considérant que les fonds propres sont approximativement proportionnels aux encours. Les 1000 de B consomment 53,31 sur un total de 76,16.Ce qui signifie que 100 de réduction sur B économise un capital approximatif de 10%×53,31= 5,33. Ces 5,33 sont réalloués sur A. Sachant que A consomme 22,85 pour 1000 d'encours en risque.
Si les fonds propres autorisés sur A passent à 22,85 + 5,33 = 28,18, l'accroissement est de 5,33/22,85 = 23,3%. Finalement, on constate que 233 (23,3%) d'encours de risque sur A sont équivalents à 100 (10%) d'encours sur B.
5. Conclusion
Pour conclure on peut dire que l'exposition n'est pas le risque lui-même, car le risque c'est la perte potentielle. Ce principe est à l'origine de l'idée de fixation de limites, non en autorisation d'encours, mais en dotations en fonds propres. Il revient ensuite aux responsables des centres de profit de choisir les risques et les revenus qu'ils souhaitent du moment qu'ils respectent une enveloppe de fonds propres et une « rentabilité suffisante » sur cette dotation.
L'objectif principal de cette démarche c'est la gestion globale d'un portefeuille sous des contraintes de fonds propres. Pour se faire il faut distinguer entre les bonnes et les mauvaises structures de portefeuille de prêt.
Exemple :
Le secteur A engendre une marge nette de 0,5%, celle de B est de 1,3%, plus élevée pour compenser un risque plus élevé.
Avec les expositions initiales de 1000 et 1000, les revenus respectifs sont des 5 et 13 avant pertes potentielles (avant risque). La marge totale est donc de 18, soit 23,64% du capital économique. Si les encours sur A et B deviennent 1700 et 808 respectivement au lieu de 1000 et 1000, le capital économique reste inchangé (76,16), la marge devient de 19, soit une rentabilité de 24,95%.
? A un niveau de risque constant, la rentabilité a été accrue par une réallocation des encours. Il existerait peut être des combinaisons plus rentables, si les fonds propres pouvaient varier. Tel est le sens d'une optimisation « quantitative » du couple rentabilité- risque du portefeuille de prêt.
* 8 Le mode de calcul d'une VaR pour risque de crédit

Paragraphe 2 : Le transfert du risque de crédit : Les Dérivés de Crédit

1. Définitions
1.1 Un dérivé de crédit
· Un produit dérivé est un instrument financier monté sous la forme d'un contrat dont la valeur finale varie avec celles d'autres actifs financiers. Ces actifs peuvent être des natures diverses : actions, obligations, indices, taux d'intérêt ou de change, voire d'autres produits dérivés. Un dérivé offre la possibilité d'amplifier ou d'atténuer les effets de la variation attendue du prix d'un actif.
· Un dérivé de crédit est un produit dérivé dont la valeur finale est conditionnée par l'occurrence d'un évènement de crédit. L'évènement de crédit est défini relativement à une entité de référence, et à une obligation de référence émise par cette entité. Si l'évènement de crédit se produit, le paiement en cas de défaut doit être effectué par l'une des contreparties. L'entité de référence désigne une société sur laquelle on souhaite prendre ou couvrir une exposition sur du risque de crédit. L'obligation de référence désigne en particulier une obligation émise par cette société. Le paiement en cas de défaut est un dédommagement financier qui doit venir compenser la perte potentielle entraînée par l'évènement de crédit. Outre le paiement en cas de défaut, un dérivé de crédit peut prévoir d'autres paiements qui ne soient pas contingents au défaut. Un dérivé de crédit peut porter sur plusieurs entités de référence. Usuellement, une seule obligation de référence est fixée pour chaque entité.
Dans un dérivé de crédit, un acheteur de protection paye un coupon périodique à un investisseur qui l'indemnise en cas d'évènement de crédit. Les dérivés de crédit les plus simples sont appelés « vanille », les dérivés plus complexes « exotiques ».
Un dérivé de crédit ne peut être considéré comme une assurance, même s'il peut lui ressembler dans certains aspects. Il s'agit d'un produit financier synthétique, dont la valeur est conditionnée par l'occurrence d'un évènement de crédit, et non par la réalisation effective d'une perte. La conséquence immédiate est que le vendeur de protection ne pourra exiger de l'acheteur qu'il fasse la preuve d'une perte comme préalable au versement de paiement en cas de défaut. L'acheteur de protection n'est en aucun cas tenu de posséder l'obligation de référence sur laquelle il achète une couverture.
Dans le cadre usuel de son activité, un desk de crédit dérivé exotique achète de la protection à l'aide de dérivés exotiques et vend pour se couvrir de la protection sous forme de dérivés vanille.
Avant de parler plus en détail des produits dérivés de crédit et leur rôle important dans la gestion du risque de crédit et l'amélioration de la rentabilité des portefeuilles de crédit, il convient de rappeler les définitions usuelles des évènements de crédit.
1.2 Evènement de crédit
Sur le marché des dérivés de crédit, l'adoption des définitions ISDA9(*) n'est en rien impérative. Toutefois, leur utilisation leur gage d'une plus grande liquidité, et il sera en pratique très difficile de traiter un contrat n'utilisant pas la documentation ISDA.
L'ISDA définit en total 6 évènements de crédit. Seules trois sont utilisés en pratique dans toutes les transactions.
· Faillite : on parle de faillite quand l'entité de référence est dissoute (sauf dans le cas de fusion), devient insolvable ou fait l'objet d'une procédure en vue d'obtenir un jugement de faillite ou d'insolvabilité.
· Défaut de paiement : c'est l'inexécution par l'entité de référence, à la date et au lieu prévu, d'une obligation de paiement au titre d'une obligation pour un montant total supérieur ou égal au seuil de défaut de paiement.
· Restructuration : Réduction du taux ou de montant des intérêts payables, réduction du principal, report d'échéance pour le paiement d'intérêts ou du principal, changement de la priorité du paiement entraînant la subordination de l'obligation ou tout changement de devise pour le remboursement.
Pour être valide du point de vue réglementaire, la déclaration d'un évènement de crédit doit contenir deux informations publiques annonçant cet évènement de crédit. Si l'un des évènements précédents est déclaré, on dit que l'entité de référence, plus couramment appelé l'émetteur, a fait défaut.
2. L'utilisation des dérivés de crédit
Schématiquement, il existe deux grands types de banques : les banques d'investissement et les banques commerciales. La différence entre les deux, réside dans la nature de leurs fonctions principales. La banque commerciale a pour métier de base, l'intermédiation financière entre emprunteurs et préteurs. Dans ce métier historique, elle coure ainsi trois grands risques : le risque de taux, le risque de change et le risque de crédit. Le plus important parmi ces trois risques, est de loin le risque de crédit. Or, il est paradoxalement le plus difficilement gérable.
L'un des principaux objectifs des dérivés de crédit est de simplifier la gestion des risques de crédit tout en répondant le mieux aux contraintes rentabilité-risque supportées par la banque.
Nous montrerons donc en quoi ces outils permettent de gérer le risque de crédit pour les banques, aussi bien d'un point de vue économique que réglementaire. Nous montrerons également qu'ils permettent d'améliorer la rentabilité des opérations d'une banque, chose qui nous intéresse le plus dans le présent travail.
2.1 Un outil puissant dans la gestion du risque de crédit :
Bien que le marché mondial des dérivés de crédit reste relativement restreint comparé aux autres marchés de produits dérivés, la forte demande de ces instruments durant ces dernières décennies n'a fait que confirmer leur intérêt grandissant pour la gestion et transfert des risques de crédit. Ce succès résulte fatalement des caractéristiques propres de ces instruments qui font d'eux des produits très adaptés aux besoins des acteurs financiers et du coup très sollicités sur les marchés de produits dérivés.
Les banques commerciales sont les principaux acteurs sur le marché des dérivés de crédit. Elles font recours à ces produits pour gérer leurs risques de crédit, diversifier leurs portefeuilles de prêts et leurs autres actifs à risque. Elles s'en servent également pour réduire leur exposition au risque de crédit lorsqu'elles jugent disproportionnées les normes imposées en matière de fonds propres par rapport au risque couru. Comme elles peuvent être à la quête de nouvelles stratégies d'augmentation de rendements.
2.1.1 La gestion bancaire du risque de crédit :
En matière de gestion bancaire, on distingue généralement la "gestion macro" de la "gestion micro" du risque de crédit.
La gestion macro du risque de crédit, est celle où le recourt aux produits dérivés de crédit permet de diversifier les portefeuilles bancaires sans pour autant altérer les relations commerciales qui peuvent exister entre ces établissements et leurs clientèles. C'est dans cette perspective que les produits dérivés de crédit permettent aux banques de faire face au "paradoxe du crédit" qui peut être surexposé aux secteurs sur lesquels elles détiennent un avantage comparatif en terme d'origination de transaction.
A titre d'exemple, nous pouvons évoquer le cas d'une banque qui fait régulièrement des affaires avec un de ses clients, le client ABC. Sachant que ses lignes de crédit à 7 ans sont pleinement utilisées, il ne lui reste par contre que de la capacité à 5 ans. Face à cette situation, la solution qui s'offre à la banque est de suggérer une ligne de crédit à 5 ans et de conclure un Credit Default Swap pour 2 ans dans 5 ans. Ce swap à terme a bien sûr un coût qui vient diminuer la rentabilité de l'opération, mais cette solution évite à la banque de décliner la transaction proposée par son client.
La gestion micro du risque de crédit quant à elle, est celle où les produits dérivés de crédit offrent une protection contre le risque de défaut ou bien l'élargissement de la marge de crédit de débiteurs individuels.
2.1.2 La gestion du capital réglementaire des banques :
Les produits dérivés de crédit sont également utilisés par les établissements bancaires pour réduire leur exposition au risque de crédit lorsque celui-ci est jugé démesuré par rapport aux fonds propres réglementaires imposés par les autorités prudentielles. En souscrivons à des contrats de couverture auprès des investisseurs ou autres banques, ces établissements de crédits arrivent à se débarrasser de toute ou partie de leur risque d'exposition, nécessitant par conséquent moins de fonds propres réglementaires. Ceci dit, cette couverture n'est pas sans coût et passe forcément par l'acquittement d'une prime d'annuité qui vient réduire les marges de profit réalisées par ces établissements sur les opérations de crédit. C'est fatalement le prix à payer pour gagner en terme de réserves réglementaires et le respect des contraintes prudentielles.
2.1.3 La gestion des portefeuilles d'investissement :
D'une manière générale, les produits dérivés de crédit permettent de construire des portefeuilles de titres de dette de qualité supérieure, du fait qu'ils favorisent:
- La diversification des portefeuilles de crédit ;
- La vente à découvert d'instruments de dette sans passer par le marché cash et ceci en achetant un swap sur le risque de défaut ;
- Le repackaging du risque de crédit ou la création de nouvelles expositions face au risque de crédit grâce à des montages d'instruments de dettes synthétiques ;
- La gestion des risques de concentration et de corrélation grâce à des ajustements continuels à faibles coûts de transactions.
D'autre part, les produits dérivés de crédit permettent de mettre en place de nouvelles stratégies de couverture. Prenons à titre d'exemple, le cas d'un investisseur détenant un actif obligataire susceptible de subir une dégradation. Face à ce risque éventuel, la solution la plus judicieuse qui s'offre à l'investisseur serait de vendre sa position sur le marché cash. Cependant, plusieurs entraves inhérentes à ce marché pourraient le contraindre à renoncer à cette décision :
- Le marché secondaire pour cet actif peut s'avérer illiquide et le prix de revente d'autant plus faible ;
- Les conditions de marché (taux d'intérêt, change) ne sont pas favorables ;
- Le marquage au marché du titre en question est négatif, et la décision de vendre l'actif reviendrait à concrétiser une perte.
- A l'opposé du cas ci-dessus, le titre est fortement positif, et dans ce cas, se séparer de l'actif ne serait pas optimal d'un point de vue fiscal.
Pour ces diverses raisons, prendre une position de couverture au moyen d'un produit dérivé sur le risque de défaut ou encore sur la marge de crédit, pourrait s'avérer dans ce cas beaucoup plus profitable que la cession en elle même.
2.1.4 Des stratégies d'augmentation des rendements :
Les produits dérivés de crédit peuvent servir également de moyen permettant la mise en place de stratégies d'augmentation de rendements. En effet, supposons le cas d'un investisseur ayant acquis un titre dont le spread est de 10 bps au-dessus du Libor10(*). Cet investisseur s'attend à une appréciation éventuelle du crédit sous-jacent et souhaite sortir de sa position lorsque celui-ci aura atteint un niveau égal à celui du Libor.
Le gestionnaire peut matérialiser cette anticipation dès aujourd'hui en vendant à une contrepartie une option d'achat sur le crédit sous-jacent avec une marge d'exercice nulle au-dessus du Libor. Il empoche ainsi la prime de l'option et augmente par la même occasion son rendement.
Une stratégie inverse pourrait aussi être adoptée lorsque l'investisseur souhaite faire l'acquisition d'un titre, dont il estime que le cours d'achat reste relativement cher. En effet, le titre en question se négocie actuellement sur le marché à un spread de 15 bps au-dessus du Libor, tandis que l'investisseur serait prêt à l'acheter au Libor + 20bps. Une solution pour ce dernier pourrait être de vendre une option de vente sur ce titre sous-jacent à une marge d'exercice de Libor +20 bps et améliorer de cette manière sa performance grâce à la prime du put. En effet, les produits dérivés de crédit visent avant tout à rendre le marché du crédit plus flexible, plus liquide et plus large. En effet, là où l'univers du crédit « classique » est compensé d'actifs se caractérisant par une devise, une maturité, une forme juridique précise, les dérivés de crédit visent à élargir cet univers :
· En terme de devise : certains émetteurs présents sur les marchés financiers n'empruntent que dan certaines devises, en général leur devise de référence. Les dérivés de crédit permettent de transférer synthétiquement un risque de crédit dans une devise où aucun actif sur ce nom n'est disponible.
· En terme de maturité : les actifs de crédit, qu'ils soient dans le bilan d'une banque ou sur le marché financier, ont tous une maturité précise et figée. Les dérivés de crédit permettent d'offrir des maturités inexistantes.
· En terme de recouvrement en cas de défaut : une banque qui porte un risque de crédit subira une perte en cas de défaut de l'emprunteur. Avec les dérivés de crédit, il est possible de figer par anticipation la perte éventuelle supportée par la banque en cas de défaut du crédit sous- jacent (le « fixed pay-out »).
· En terme de noms : certains noms (essentiellement des entreprises) ne financent pas leurs expansions en s'endettant auprès des marchés financiers (émission d'obligation), mais en s'endettant auprès des banques. Il peut donc être intéressant, à la fois pour les banques prêteuses, et pour les investisseurs de s'échanger ce genre de risques non disponibles sur le marché. De plus, les actifs sous-jacents ne sont généralement pas transférables : seule une transaction synthétique est donc disponible.
· En terme de structure : les formes que peuvent prendre des transactions de dérivés de crédit sont nombreuses. Celles-ci peuvent être synthétiques ou non (CDS11(*) ou CLN12(*) par exemple), callable ou non, avec un effet de levier sur mesure (FTD13(*), tranche Equity de CDO14(*),...)
Pour toutes ces raisons, les dérivés de crédit permettent de fluidifier la gestion du risque de crédit pour une banque. Il peut s'agir de sortir des risques non désirés ou considérés par exemple comme trop importants, mais aussi de prendre de nouveaux risques complémentaires de ceux déjà présents dans le portefeuille. Les dérivés de crédit permettent de diminuer les risques économiques d'une banque.
2.2 Intérêts spécifiques des dérivés de crédit
En plus des avantages génériques présentés, certains cas particuliers sont importants à souligner :
Les banques qui se refinancent à des niveaux élevés (Euribor+) ont intérêt à prendre du risque de crédit synthétiquement, donc à utiliser des dérivés de crédit. Par exemple, une banque qui se refinance à Euribor + 20 bps et achète une obligation asset swappée à Euribor + 50 bps ne reçoit en net que 30 bps : alors que dans le cadre d'un CDS, elle n'a aucun besoin de financement et reçoit une prime sensiblement égale à 50 bps. Inversement, les banques qui se refinancent à des niveaux bas (Euribor -) n'auront que peut d'intérêt à prendre du risque de crédit synthétiquement. Elles seront cependant limitées par la taille de leur bilan.
Les dérivés de crédit ne servent pas uniquement à travailler sur un unique sous-jacent, mais permettent également de travailler sur des portefeuilles entiers de crédits. Notamment, ceci permet d'effectuer des titrisations synthétiques (CDO par exemple). Tous les avantages des dérivés de crédit standard rejaillissent sur ce genre d'opérations lorsqu'elles sont effectuées synthétiquement. Par ailleurs, dans le cas particulier d'une titrisation, les dérivés de crédit permettent de minimiser les coûts par rapport à une titrisation classique : pas besoin de mettre en place des SPV, opérations standardisées, coût comptables, juridiques, informatique plus faible. Ce genre d'opérations, concerne les banques, aussi bien pour titriser certains de leurs risques de crédit, que pour prendre de nouveaux risques, diversifiés et complémentaires de ceux qu'elles portent déjà.
2.3 Optimiser les contraintes réglementaires
Les activités de crédit des banques sont étroitement surveillées par les autorités de régulation pour essayer d'éviter tout risque d'insolvabilité de banques qui pourrait induire un risque systémique important. Ainsi, elles doivent immobiliser des fonds propres au regard de leurs opérations de crédit.
2.3.1 Traitement prudentiel
En 1988, lors du comité de Bâle, les autorités de tutelle des pays du G10 on défini une norme commune : le ratio international de solvabilité, plus communément appelé « Ratio Cooke », remplacé par le ratio Mc Donough au début 2007. Ce ratio a progressivement été adapté, au niveau européen et par chaque autorité nationale. Il impose aux banques de conserver en permanence un rapport (Fonds Propres Réglementaires / Risques Pondérés) d'au moins 8% (ce ratio est expliqué plus en détail dans le chapitre consacré au risque de crédit). Par la suite, en 1996, le même comité a introduit une distinction entre les opérations relevant de l'activité classique des banques (prêts et investissements), désormais logées dans le portefeuille bancaire « Banking Book », et celles relevant de l'activité d'achat / vente , logées dans le portefeuille de négociation « Trading Book ».
Acheter de la protection sur un actif de crédit par le biais d'un dérivé de crédit permet en général de diminuer les besoins en fonds propres réglementaires pour une banque. Pour cela, la banque doit respecter un certain nombre de conditions imposées par la commission Bancaire, qui est particulièrement attentive aux adossements imparfaits entre l'actif couvert et la couverture.
Les dérivés de crédit, d'un point de vue réglementaire, présentent donc un intérêt majeur pour les banques qui souhaitent diminuer leurs besoins en fonds propres réglementaires. Pour certaines opérations, comme par exemple l'achat de protection sur des actifs non transférables, ils sont même incontournables.
2.3.2 La politique d'investissement
Les aspects réglementaires d'une transaction sont aussi fondamentaux au niveau des investissements pour une banque. Deux crédits payant un spread identique mais ayant une pondération Cooke Différente n'auront pas du tout la même rentabilité sur fonds propres.
Ces points ne sont pas spécifiques aux dérivés de crédit. Simplement, la plus grande souplesse qu'offrent les dérivés de crédit permet eux banques de mieux se connecter sur ces aspects réglementaires.
2.4 Améliorer la rentabilité des fonds propres
De plus en plus de banques s'intéressent aujourd'hui à la rentabilité des opérations de crédit au regard de l'immobilisation de leurs fonds propres. Les fonds propres sont en effet, une ressource limitée transmise par les actionnaires qui cherchent à en optimiser le rendement.
Différents indicateurs peuvent être suivis ; le plus répandu est probablement le retour sur capitaux propres ou « Return on Equity ».
Son calcul est le suivant :
RoE = Revenus après refinancement / Capital réglementaire immobilisé
Le RoE est la mesure la plus couramment utilisée en ce qui concerne la rentabilité des fonds propres.
Comme nous l'avons vu précédemment, les dérivés de crédit permettent pour une banque d'optimiser ses risques économiques et ses contraintes réglementaires. Cependant, ces points sont un moyen pour réaliser l'objectif principal fixé par les actionnaires aux dirigeants d'une banques : la maximisation de la valeur de la banque dont ils sont propriétaires. Ceci passe notamment par la maximisation de la rentabilité des fonds propres.
Dans ces conditions, plus une banque est exposée sur des risques de crédit, plus le recours aux dérivés de crédit lui permettra de maximiser sa valeur.
Par exemple, une banque A qui se refinance à Euribor 15(*)+ 10 bps et accorde un prêt à un client important à Euribor + 25 bps dégage en fait une rentabilité faible.
Le RoE est en effet de : 0,25% - 0,1% / 8%×100% = 1,9%.
Un CDS peut être utilisé pour optimiser le RoE en arbitrant les nivaux de financement entre deux banques de qualités financières différentes. Dans l'exemple précédents, considérons également qu'une banque B, de meilleure qualité, se finance elle à Libor -10 bps. Une solution pour optimiser le rendement serait la mise en place d'un CDS dans lequel la banque B achèterait de la protection à la banque A sur la contrepartie emprunteuse.
La banque A n'a plus à supporter des coûts de financement importants dus à sa plus faible notation et améliore le rendement global de l'opération. La banque B bénéficie d'une diminution de ses besoins en fonds propres (100% ? 20%) par substitution de la pondération du garant à celle de l'actif couvert.
 
RoE avant CDS
RoE après CDS

Banque A
15 bps / 8,0% = 1,9%
25 bp / 8% = 3,1%

Banque B
35 bps / 8,0% = 4,4%
10 bp / 1,6 % = 6,2%
Financement Euribor 10 bps
Financement Euribor +10bps
Banque
(Moins bonne qualité)
Banque
(Bonne qualité)
25 points de base par an
0, en l' 0, en l'absence de défaut
Paiement contingent en cas de défaut :
(Valeur au Pair - Valeur de l'actif de référence)
Coupon :
Euribor + 25 bps
Prêt de $ 10 millions à une contrepartie corporate notée A
Ainsi, dans cet exemple, l'utilisation d'un dérivé de crédit a permis d'améliorer la rentabilité des fonds propres des deux banques.
Cette méthode induit une distorsion, car le RoE ne reflète pas le risque réel associé à un crédit donné. Le numérateur ne tient pas compte des pertes anticipées, tandis que le dénominateur est calculé forfaitairement. D'autres méthodes peuvent être plus crédibles pour mesurer la rentabilité d'une transaction, notamment le Return on Asset (RoA) et le Risk Adjusted Return On Capital (RAROC).
Le RoA permet de mesurer la performance d'une opération en rapport à la taille du bilan qu'elle utilise. Ceci permet de mesurer l'impact des opérations de crédit sur des pays souverains, tels la France, les Etats-Unis ou tout autre pays membre de l'OCDE, qui ne génèrent aucun besoin en fonds propres réglementaires. Cet indicateur permet de souligner la rareté d'une autre ressource des banques, le bilan.
Quant au RAROC, il s'agit certainement de la mesure parfaite de la rentabilité d'une transaction. Car cet indicateur permet de considérer les interactions et les couvertures entre transactions d'un même portefeuille. Ainsi, la rentabilité d'une opération au sein d'un portefeuille sera différente selon le portefeuille dans lequel elle est logée et les corrélations entre les transactions de ces portefeuilles.
Toutefois cette méthode est très délicate à mettre en place, car elle suppose une connaissance des corrélations entre les différents actifs ce qui n'est pas sans poser des réelles difficultés.
Outre l'optimisation des contraintes réglementaires et l'amélioration de la rentabilité des fonds propres qu'il permet, un dérivé de crédit demeure avant tout -et c'est sa fonction originelle- un outil puissant de gestion du risque de crédit.

Section 2 : le risque de crédit quel impact sur la rentabilité bancaire ?

* 9ISDA : International Swap and Derivaives Association : une association qui prend en charge la définition d'un vocabulaire commun pour la rédaction des contrats portant sur des transactions de produits dérivés. Depuis le 20 juin 2003 des définitions ISDA spécifiques ont été adoptées pour les marchés américains (Modified Restructuring) et européen (Modified Modified Restructuring).
* 10 London interbank offered rate
* 11 Credit Default Swap
* 12 Credit Linked Note
* 13 First To Default
* 14 Collateralised Debt Obligation
* 15 Europe interbank offered rate

Paragraphe1 : Les déterminants de la performance bancaire 

1. Le bilan bancaire
Le bilan de la banque est une photographie de sa situation économique. Il peut être présenté à partir d'une description succincte des comptes de bilan et de hors bilan.
2.1 Les opérations interbancaires
Les comptes de la classe 1 englobent les opérations interbancaires, celles que la banque réalise avec d'autres institutions financières, dans le cadre de sa gestion de trésorerie. En effet, quand son exploitation lui permet de dégager des excédents de trésorerie, la banque se trouve en position de prêteur net sur le marché interbancaire. Les éléments d'actif excèdent les éléments correspondants du passif. Dans le cas inverse la banque doit avoir recours au marché pour assurer son refinancement. Les opérations interbancaires intègrent également les comptes dits de liaison : il s'agit des dépôts qu'une banque dans d'autres établissements et de ceux que ces derniers détiennent chez elle pour les besoins de la compensation interbancaire.
2.2 Les opérations avec la clientèle
Les comptes de la classe 2 comprennent les opérations que la banque réalise avec sa clientèle. L'actif retrace les crédits accordés. Le passif inclut les dépôts collectés qu'il ventile selon leur degré d'exigibilité, leur forme (compte, bon, certificat) et leur nature au regard de la réglementation bancaire (compte d'épargne à régime spécial, comptes ordinaires). Le poids de ces comptes dans le bilan traduit l'intensité de l'activité de financement de la banque.
2.3 Les opérations sur titres
La troisième classe de compte comprend les opérations sur titres. Elle retrace les interventions de la banque sur le marché des capitaux pour son propre compte. L'actif fait donc état de son portefeuille de titres, classés selon leur durée de conservation, dans l'ordre croissant de cette durée : les titres de transaction, de placement et d'investissement. Au passif, on retrouve ceux que la banque émet pour se refinancer, et qui sont à revenu fixe ou variable : les titres de créance négociables et hypothécaires. Le bilan, faisant prévaloir une logique patrimoniale, les opérations sur titres effectuées pour le compte de la clientèle n'y apparaissent pas.
2.4 Les valeurs immobilisées
Les classes 4 et 5 contiennent les valeurs immobilisées, soit les biens et valeurs censés demeurer durablement dans le patrimoine de la banque. Le bilan bancaire ne présente donc, de ce point de vue, aucune originalité face à celui de l'entreprise industrielle et commerciale.
2.5 Les opérations extra-bilancielles
Enfin, l'importance des opérations extra-bilancielles, tant en termes qualitatifs que de volume, incite à les prendre en compte pour caractériser la position de la banque. Les comptes de hors-bilan (classe 9) comportent toutes les opérations qui ne sont pas neutres en termes de risque, non encore survenues en date de situation mais pour lesquelles des engagements contractuels ont été donnés ou reçus. Il s'agit :
 ? des engagements de financement et des avals et garanties donnés et reçus des établissements de crédit et de la clientèle non financière
  ?des opérations en devises à la suite de prêts, d'emprunts libellés en devises ou de swaps de devises. 
  ?des engagements sur titres : montants à livrer ou à recevoir entre la date de négociation de la transaction et celle de livraison des titres. Ils résultent des interventions à l'émission (pouvant être réalisées au profit de la clientèle), et des opérations « techniques » entre différents placeurs, lors d'une émission de titres.
 ?des engagements sur instruments financiers à terme réalisés à des fins de couverture, de spéculation ou d'arbitrage.
2. Les principaux résultats de l'activité bancaire :
2.1 Le produit net bancaire PNB :
Le produit net bancaire (PNB) est un indicateur qui rend compte de l'ensemble des activités de la banque (dans ses différentes fonctions, d'intermédiation, de marché, etc.) et détermine sa marge brute. Le PNB s'obtient donc en soustrayant à la somme des produits d'exploitation la somme des charges d'exploitation.
PNB = ? produits d'exploitation - ? charges d'exploitation
Les principaux composants du PNB sont :
- Les intérêts perçus sur la clientèle et ceux versés aux tiers,
- Les produits du portefeuille titres et des participations,
- Les autres produits d'exploitation bancaire (essentiellement les commissions de services).
Les commissions sur services sont de plus en plus recherchées par les banques pour améliorer leur rentabilité et parce qu'elles ne sont pas sensibles aux variations de taux.
A noter que le produit global d'exploitation (PGE) agrège au PNB des produits et des charges relatives à des activités qui ne relèvent pas d'opérations bancaires au sens de la loi de 1984 (locations d'immeubles par exemple).
2.2 Les résultats : brut d'exploitation, courant avant impôt, net 
- Pour les banques, le résultat brut d'exploitation (RBE) est égal au PNB (le cas échéant au PGE) diminué des charges de structure. Il est un indicateur de référence de l'activité bancaire proprement dite (hors provisions et éléments exceptionnels). Le coefficient net d'exploitation est un ratio important qui rapporte les charges de structure au PNB (il mesure la part du PNB qui est consommée par ces charges : il est préférable qu'il soit nettement inférieur à 70%).
Coefficient net d'exploitation = charges de structure / PNB
- Le résultat courant avant impôt est égal au RBE diminué des dotations aux provisions et des pertes sur créances irrécupérables, il prend donc en compte le risque de contrepartie.
Résultat courant avant impôt = RBE - (dotations aux provisions + pertes sur créances irrécupérables)
- Enfin, le résultat net tient compte des produits et charges exceptionnels, des dotations ou des reprises au fonds pour risques bancaires généraux, et de l'impôt sur les sociétés.
2.3 La rentabilité : ROE, ROA :
Pour exprimer l'évolution de la rentabilité, deux critères sont les plus souvent utilisés : le coefficient de rentabilité financière (Return on equity RoE) et le coefficient de rentabilité économique (Return on Asset RoA).
- Le retour sur fonds propres (Return on Equity, RoE) est un ratio qui mesure la rentabilité des fonds propres de la banque. C'est le résultat net rapporté aux fonds propres. Exemple d'objectif assigné : 15% de ROE.
RoE = RN / fonds propres
Une autre manière de calculer le RoE est la suivante :
RoE = MP x RA x LF
Avec :
§ MP = Marge de profit = Bénéfices nets après impôt / Revenus totaux
§ RA = Rendement de l'actif= Revenus totaux / Actifs totaux moyens
§ LF = Levier financier = Actifs totaux moyens/ Fonds propres moyens
Le RoE exprime la rentabilité de point de vue des actionnaires puisqu'il met en évidence le rendement de leurs investissements. Cependant cet indicateur, peut donner une fausse image de la rentabilité, car un fort coefficient de rentabilité financière peut provenir d'un faible niveau de fonds propres.
- Le retour sur actifs (Return on Assets, ROA) est l'expression de la rentabilité des actifs de la banque. Il rapporte le résultat net au total du bilan.
RoA = RN / total bilan
L'inconvénient de cet indicateur est, d'une part qu'il place la totalité des actifs sur un même plan, alors que les risques correspondant sons différents. D'autre part, il néglige les activités hors bilan qui prennent de plus en plus de l'ampleur ces dernières années.
Pourquoi cette référence récurrent aux « fonds propres » ? C'est que l'activité de banque est affectée par des risques, pour elle-même et pour ses clients : les profits de la banque doivent servir non seulement à rémunérer ses actionnaires, mais aussi à renforcer les dits fonds propres, dernier recours en cas de réalisation du risque.
3. Les normes de gestion : Les ratios déterminant de la rentabilité bancaire
La réglementation bancaire fait obligation aux banques de respecter des normes de gestion sous forme notamment de ratios (liquidité, solvabilité...). Ces normes sont destinées à sécuriser l'ensemble du système bancaire, ainsi que l'amélioration de la performance des banques.
3.1 Le ratio de liquidités :
Son respect doit permettre aux banques de faire face à leurs exigibilités à court terme avec leurs utilisations (ou emplois) de même durée. L'ensemble des crédits inférieurs à un mois doit être supérieur aux ressources de la même durée.
3.2 Le ratio de solvabilité (ou Cooke) :
Il concerne le renforcement des fonds propres et leur solvabilité. Les fonds propres et assimilés doivent être supérieurs à 8 % des risques crédit de la banque (engagements pondérés par les risques crédit et pays + plus équivalent risque crédit hors bilan).
3.3 Le coefficient de division des risques :
Son respect limite les risques de non-remboursement et assure la solvabilité de la banque. L'ensemble des risques client supérieurs à 15% des fonds propres doit être inférieur à huit fois les fonds propres.
3.4 Le coefficient de fonds propres et de ressources permanentes :
La suppression du système de régulation quantitative de crédit a été assortie de la création d'un ratio prudentiel visant à imposer aux établissements de crédit un niveau minimal de couverture des emplois longs par des ressources stables. Ainsi chaque fois que l'on accorde un prêt à plus de cinq ans, il faut trouver la ressource correspondante (au prorata du coefficient) en fonds propres, quasi fonds propres ou emprunts obligataires.
Ce coefficient doit inciter les établissements de crédit à ne pas accroître leur taux de transformation et donc éviter un financement accru des prêts à moyen et long terme par des ressources monétaires. Les ressources supérieures à cinq ans doivent permettre de financer plus de 60 % des emplois effectués par la banque pour des durées supérieures à cinq ans.

Paragraphe2 : Mesure de l'impact de la fonction de crédit sur la rentabilité bancaire :

1. L'indice de risque dans les banques :
Le risque bancaire peut être détecté par plusieurs ratios. Selon J.F.Sinkey16(*), si l'actif d'une banque est en majorité formé par les crédits, alors sa fonction de crédit joue un rôle critique dans la gestion de la totalité de son risque. L'objectif de la fonction de crédit d'une banque est simple : c'est de créer de la valeur pour la banque, et d'améliorer la rentabilité de ses capitaux propres.
Il souligne aussi qu'une gestion du risque convenable et prudente, est une manière de créer de la valeur pour la banque.
Pour Joseph Sinkey, afin de détecter le grand effet de risque de crédit sur l'activité de la banque, on peut calculer un score appelé Indice de Risque, ou encore, RI (Risk Index), qui est fonction de plusieurs risques.
On peut écrire alors :
RI = f (risque de crédit, risque de liquidité, risque de taux d'intérêt...)

RI=[E (ROA) +CAP] /ä (ROA)
Avec :
RI = indice de risque
ROA = bénéfice net / total bilan
CAP = capitaux propres / total actif
RCR = ratio de couverture des risques (Cooke)
D'autre part le risque bancaire peut être détecté par d'autres ratios tels que : le ratio de couverture de risques (RCR ou Cooke), le risque de crédit, le risque de marché.
Toute choses étant égale par ailleurs, les banques qui gèrent très bien leur risque de crédit vont avoir un score très élevé, elle sont par conséquent les plus prudentes en matière de gestion de risque, tandis que celles qui gèrent mal leur risque de crédit vont avoir des indices très faibles.
2. Les évidences empiriques dans la littérature actuelle sur le lien entre le ratio de capital et la décision d'octroi de crédit :
Dans le cadre de la régulation, la première étude empirique étudiant le comportement des
banques par rapport aux risques est faite par Shrieves et Dahl (1992). Les auteurs ont examiné
la relation « prise de risque-régulation » pour les banques américaines pendant les années
1984-1986, suite à l'imposition du « laverage ratio » (capitaux propres/total des actifs). Les
variations des ratios des capitaux propres et du risque du portefeuille sont expliquées par des
ajustements visant à atteindre les objectifs de la régulation et par des chocs exogènes. Les
objectifs des banques sont influencés par leurs tailles, leurs revenus, les variations du capital
propre et par la composition du portefeuille. Il en résulte que, pour les banques sous et bien
capitalisées, les variations des capitaux propres influencent les expositions en matière de
risque parce qu'elles essaient de combiner une augmentation du capital avec une plus grande
prise de risques et vice versa. L'efficacité de la régulation ne serait pas remise en question mais le taux d'ajustement du capital des banques sous-capitalisées est supérieur à celui des banques bien capitalisées (notion de too big to fail). Le modèle de Shrieves et Dahl a servi de support aux études empiriques ultérieures. Ediz et al. (1998) et Rime (2000) obtiennent pour une autre période (1989-1995) des conclusions semblables aux précédentes pour les banques anglaises et suisses. Ainsi il ressort que les banques suisses tentent d'atteindre rapidement les ratios exigés par la loi afin d'éviter les nombreuses pénalités prévues par les autorités de la régulation. En ce qui concerne la pression de la régulation, il semble qu'elle soit plus grande sur les banques sous-capitalisées que pour les autres banques. Cette pression a un impact positif et significatif sur le ratio de capital, mais elle n'influence pas la prise du risque par les banques. Cela signifie que les banques améliorent leurs ratios de capital en augmentant leurs capitaux propres (émission de nouvelles actions, bénéfices retenus) et non pas en réduisant leur prise de risque (Ediz et al. 1998, Rime 2000).
Par contre, Aggarwal et Jacques (1998), en se basant sur des données des banques américaines pour les années 1991 -1993, découvrent que les banques ont décru leur risque pondéré à l'actif pour les années 1992 et 1993 (ce qui contraste avec le comportement des banques en 1991). Cette baisse du risque s'explique par l'entrée en vigueur, en 1992, de plusieurs sanctions applicables aux banques en cas de non respect des standards de la régulation. Ce qui signifie que les pénalités prévues par les autorités ont eu des incitations positives sur le comportement des banques (Aggarwal et Jacques 1998).
Par ailleurs, dans le cadre d'une dynamique temporelle, Calem et Rob (1999) cherchent à nuancer les résultats précédents. Les calculs basés sur les données américaines entre 1984 et 1993 indiquent que la prise de risques de la banque dépend de son ratio des capitaux propres et que cette relation suit une courbe en forme de U. La part des actifs risqués dans le portefeuille bancaire est très élevée pour les banques sous-capitalisées ce qui reflète la présence d'aléa moral dans ces banques. Au fur et à mesure que le ratio de capital s'accroît, la prise de risque diminue jusqu'au point correspondant au standard de 8 % exigé par les autorités de la régulation. Ensuite, jugeant le risque de faillite trop faible, les banques bien capitalisées tentent de prendre plus de risques. Finalement, les travaux de Bondt et H.M.Prast (2000) cherchent à étudier les déterminants des ratios de capital bancaire dans les années 90 en mettant en avant les facteurs spécifiques à la banque et le degré de capitalisation. Leurs résultats suggèrent que la majorité des banques évaluent le risque de leur portefeuille plus élevé que celui dicté par les schémas de pondérations de Bâle I. Malgré cela, la réglementation bancaire reste efficace du fait de la tendance des banques sous-capitalisées à l'ajustement de leurs ratios de capital.

Conclusion de la première partie

Depuis la vague des faillites bancaires des années 80, un consensus a émergé sur le fait que le risque de crédit constitue la première cause interne des défaillances bancaires. Durant ces dernières décennies, les outils de gestion et les modèles d'évaluation du risque de crédit, ont connu une ascension assez spectaculaire en particulier dans le secteur bancaire qui reste toujours le principal utilisateur du risque de crédit.
Le risque de crédit est un générateur de plusieurs autres risques touchant à la performance et la rentabilité de l'établissement de crédit. Plus précisément, l'excès du risque de crédit lorsqu'il résulte d'une mauvaise gestion de ce dernier par la banque, est le déterminant fondamental dans la déficience bancaire.
Il peut être défini comme une non performance de la contrepartie engendrant une perte probable au niveau de la banque. Les activités pouvant être à l'origine de ce type de risque représentent 80% du bilan. Ainsi la gestion du risque de crédit compte parmi les trios principales activités d'une banque, avec la production de l'information et la transformation de l'actif.
La gestion du risque de crédit comme nous l'avons vu précédemment correspond à l'ensemble des décisions permettant d'améliorer le profil rentabilité-risque et permettant la banque de bien maîtriser ses portefeuilles de crédit, ainsi que de réduire le risque de faillite bancaire. La banque doit ainsi disposer d'un système efficace de gestion de risque. Une stratégie de gestion du risque de crédit consiste essentiellement en :
o L'identification les sources de risques
o Le contrôle de risque
o Le financement de risque
o La recherche des moyens de se prémunir des mauvais effets de crédits (transfert du risque de crédit par les CDS)
D'après la démarche que nous avons suivie dans le cadre de la partie théorique on peut dire que la première préoccupation pour un établissement de crédit est de bien gérer le risque de crédit auquel il se trouve exposé. Le travail consiste essentiellement à calculer la probabilité de réalisation du risque de crédit et l'estimation des pertes potentielles lors de sa réalisation ainsi que leur impact sur la rentabilité de la banque représentée par le RoE et le RoA.
Comme nous l'avons pu constater précédemment, les méthodes d'évaluation du risque de crédit sont assez variées (la VaR le rating interne et externe, modèle du risque systémique,...) et se font à différent niveaux d'agrégation (par portefeuille, centre de profit, département, succursales, etc.), jusqu'au niveau le plus global de l'établissement en question.
Une fois le risque de crédit discerné, il y'a lieu de calculer le capital à mettre en face pour répondre aux contraintes prudentielles et assurer la solvabilité future de l'institution à tous les niveaux et pour tous les produits risqués. Ces pratiques permettent l'implémentation d'outils stratégiques de mesure de performance et d'allocation de capital pour la maximisation de la valeur de la banque et la sauvegarde d'un niveau de rendement en croissance rentable.
Cette mesure du capital pour couvrir les activités à risques d'une banque est souvent subdivisée en deux conceptions. On parlera de "capital économique" pour l'usage interne et de "capital réglementaire" pour le respect des exigences en fonds propres. Ces exigences réglementaires en matière de risque de crédit sont amenées à changer de manière radicale dans le cadre de la nouvelle législation instaurée par le comité de Bâle II dont l'entrée en vigueur était début 2007.
* 16J.F.Sinkey :  «Commercial Bank Financial Management»1999

DEUXIEME PARTIE :

Analyses empiriques de la performance des banques tunisiennes en matière de gestion du risque de crédit et de son impact sur la rentabilité bancaire : Cas des banques de dépôts

Chapitre 1 : La Banque de Tunisie, leader des banques tunisiennes en matière de gestion du risque de crédit et de profitabilité des fonds propres.

Introduction
Les réformes introduites en 1986 ont orienté l'économie tunisienne vers une amélioration du système financier en général et du système bancaire en particulier.
Toutefois ces réformes n'ont pas pu effacer les anciennes caractéristiques de l'économie d'endettement dans notre secteur bancaire.
Dans le cadre de ces réformes, des stratégies ont été menées par les banques tunisiennes, visant à renforcer le pôle de « la banque prêteuse  » afin d'offrir à la clientèle les crédits les plus adaptés à ses besoins de financements. Ces stratégies, si bien managées, permettraient aux établissements de crédits de réaliser des rendements élevés, tout en respectant les normes prudentielles fixées par la Banque Centrale de Tunisie en terme de solvabilité, de liquidité et niveau de capital réglementaire.
D'après l'Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers, la stabilité et la solvabilité du système bancaire sont une condition critique pour le bon fonctionnement du système financier.
Des distinctions renouvelées constituent une reconnaissance de la performance marquante de la Banque de Tunisie en matière de gestion du risque de crédit.
La Banque de Tunisie est une société anonyme au capital de 50 000 KDT, créée en 1884, et régie par la loi N° 2001-65 du 10 juillet 2001 relative aux établissements de crédit. C'est une banque de dépôt privée. Son capital social est divisé en 5 000 000 actions de 10 DT chacune.
En outre, la BT a été choisi par EUROMONEY comme étant la meilleure banque tunisienne « The Best Bank in Tunisia » et c'est pour cinq années consécutives (2000 - 2005).
Dans le même cadre The Banker du groupe Financial Times a attribué le « Award's 2004 » à la BT pour Quatre années consécutives à coté du «Banker Brooken Award Trophy » décernée annuellement à Londres.
Certes, l'objectif primordial de la BT est de conserver son autonomie financière et de maintenir un niveau élevé de capitaux et de ressources extérieures. En effet, ses premières préoccupations sont l'implantation d'un système de contrôle interne efficace, la modernisation permanente, la fiabilité et la croissance rentable.
En réalisant ses objectifs la BT s'est positionné comme leader des banques tunisiennes, avec une grande profitabilité des fonds propres et une bonne qualité du portefeuille de crédits.
Cette position solide occupée par la BT dés l'année 2000 jusqu'aujourd'hui, nous a conduit à étudier son activité de crédit et sa rentabilité durant la période 2001 - 2005.

Section 1 : La place du crédit dans l'activité de la BT :

Paragraphe 1 : Les crédits à la clientèle :

D'après les données du rapport annuel de la BT pour l'exercice 2005, le volume global des crédits à la clientèle a enregistré une progression de 9,1%, passant de 1.328.847 mille dinars en 2004 à 1.449.984 mille dinars. Durant les cinq dernières années, ces crédits ont progressé à un taux annuel moyen de 5%.
A côté de ces crédits par décaissement, la Banque de Tunisie accorde à ses clients des crédits par signature en mettant l'accent sur la diversité des prestations fournies dans ce domaine. Le montant global des cautions et avals accordés a atteint au 31 décembre 2005, un encours de 202.683 mille dinars enregistrant une diminution de 4,1% par rapport à l'exercice précédent.
L'évolution annuelle moyenne de ces concours a été de 3,5% durant les cinq dernières années.
En outre, durant l'exercice 2005, les crédits courants de fonctionnement ont augmenté de 14,5% pour atteindre un encours de 689.800 mille dinars à la fin de l'exercice 2005 contre 602.515 mille dinars à la fin de l'exercice 2004. Cette catégorie de crédits à court terme a progressé à un taux annuel moyen de 4,8% durant les cinq dernières années. L'encours global des crédits à moyen et long terme a atteint à la fin de l'exercice 2005 un montant de 640.313 mille dinars contre 612.953 mille dinars l'année dernière, pour afficher un taux de croissance de 4,5%. Entre 2001 et 2005, le taux annuel moyen d'augmentation de l'encours des crédits d'investissement s'est situé au niveau de 5,8%.
Il faut souligner que ces remplois à moyen et long terme ont été financés à hauteur de 65,3% par des ressources propres de la Banque et à hauteur de 34,7% par des ressources spéciales. Ce qui concrétise la position solide de la BT dans le financement de son portefeuille de crédit.

Paragraphe 2 : Importance de crédit dans l'activité de la BT

Cette importance peut être expliquée par le ratio suivant :
R = crédits à la clientèle / total bilan.
Ce ratio explique l'intérêt qu'une banque accorde à sa structure de crédit. Le tableau suivant, va nous montrer l'importance du volume des crédits dans l'activité de la BT durant la période 2001- 2005.
Tableau 1 : pourcentage du crédit dans l'activité totale
Année
2001
2002
2003
2004
2005

R
78,114%
79,16%
75,16%
75,75%
85%
Source : rapport annuel de la BT (2005)
On peut remarquer que ce ratio a augmenté en fin 2005 d'environ 10%, après une stabilité durant la période 2001 - 2004. Ainsi, plusieurs emprunteurs sont attirés par l'offre de crédits de la BT pendant cette dernière période, chose qui a aidé à garder ce pourcentage élevé. Ceci s'explique par la bonne gestion et la diversification de portefeuilles de crédits de la BT.

Paragraphe 3 : La position nette de la clientèle de la BT

La position nette de la clientèle dans l'activité de la banque peut être interprétée par le ratio suivant :
R = (crédits - dépôts) / le montant le plus élevé des deux
Ce ratio est un indicateur qui explique le choix de la banque entre deux alternatives différentes. Soit donner plus d'importance à l'octroi de crédits soit favoriser le dépôt.
Le tableau suivant va nous montrer que la position nette de la clientèle da la BT est en augmentation continuelle. Ce qui explique que la BT est en position de plus en plus prêteuse.
Tableau 2 : position nette de la clientèle
Année
2001
2002
2003
2004
2005

R
12,84%
14,69%
16,59%
19,23%
20%
Source : rapport annuel de la BT (2005)

Section 2 : L'impact des crédits sur la rentabilité de la BT :

Paragraphe1 : Evolution des commissions de gestion des crédits

Selon les résultats présentés par le rapport de gestion de l'année 2005 de la BT, les commissions bancaires, résultant du produit des services rendus à la clientèle, ont atteint à la fin de l'exercice 2005 un volume global de 15.838 mille dinars contre 14.897 mille dinars une année auparavant, enregistrant ainsi une progression de 6,3%. De 2001 à 2005, ces commissions ont connu une croissance au taux moyen annuel de 5,2%.
Les augmentations les plus significatives ont été constatées au niveau des commissions de gestion des crédits (+26,7%).
Tableau 3 : évolution des commissions sur gestion des crédits (en millier de dinar)
Année
2001
2002
2003
2004
2005
Evolution 2005/2004

Commissions sur gestion
1129
1207
1174
1343
1701
6,3%
Source : rapport de gestion de la BT (2005)

Paragraphe2 : Accroissement du rendement annuel moyen des crédits

C'est un ratio qui rapporte les produits des crédits aux encours annuels moyens de crédits. Sachant que l'encours annuel moyen des crédits est de 1.296.271
Tableau 4 : rendement annuel moyen des crédits
Année
2001
2002
2003
2004
2005

Produits des crédits
89 448
96 192
95 850
92 023
98 623

Ratio du rendement moyen
6,9%
7,42%
7,394%
7,099%
7,608%
Source : rapport annuel de la BT (2005)
Comme nous l'avons remarqué, la BT a continuellement augmenté le total de crédits surtout dés 2001. Toutefois son ratio de rendement moyen de crédit est en déclin depuis l'année 2002. Ceci est expliqué par une stratégie d'élargissement de l'activité d'octroi de crédit, en acceptant une rémunération faible de crédits à la clientèle.
Ce ratio a atteint à la fin de l'exercice 2005 un niveau très appréciable de 7,608% soit une augmentation de 7,17% par apport à l'exercice 2004.

Section 3 : La BT est en parfait respect des normes prudentielles en matière de gestion du risque de crédit :

En matière de gestion des risques sur les crédits, il est important de souligner que la Banque de Tunisie est en parfait respect de toutes les règles prudentielles de la Banque Centrale de Tunisie relatives à la division et la couverture des risques sur les crédits, ainsi qu'en matière de solvabilité et de liquidité des fonds propres.
Tableau 5 : Ratios prudentiels
Année
2001
2002
2003
2004
2005
Minimums réglementaires

Ratio de couverture des risques
13.36%
16.21%
17.33%
18.14%
18,79%
8%

Ratio de solvabilité
18.04%
22.57%
24.20%
25.87%
25,05%
10%

Ratio de liquidité
100.94%
112.92%
117.68%
127.60%
129,5%
100%
Source : rapport de gestion de la BT (2005)
Paragraphe 1 : Le ratio de couverture des risques (RCR)
C'est l'équivalent du ratio Cooke sur le plan international. Il se mesure par le rapport des fonds propres nets sur le total des risques pondérés.
Ce ratio a atteint au 31 décembre 2005, un niveau très appréciable de 18,79%, contre 18,14% au 31 décembre 2004, pour un minimum réglementaire exigé de 8%.

Paragraphe2 : Le ratio de liquidité

Ce ratio résulte du rapport des fonds propres sur l'ensemble de dépôts s'est situé à un niveau de 25,05% en 2005 contre 25,87% en 2004 et ce pour un minimum réglementaire de 10%. Cette légère baisse du ratio de solvabilité résulte de l'accroissement des dépôts courant 2005 à un rythme supérieur à celui des fonds propres.

Paragraphe3 : Le ratio de solvabilité

Institué en 2001 par la BCT, ce ratio traduit le rapport entre l'actif réalisable et le passif exigible. Ce rapport a atteint 129,5% en 2005 pour un minimum réglementaire de 100%. Ceci traduit l'équilibre de trésorerie de la BT et la bonne allocation de ses ressources à court terme.

Section 4 : La rentabilité de la BT

La rentabilité est un rapport entre un résultat et les moyens mis en oeuvre pour obtenir ce résultat. Il est traditionnel de distinguer deux types de rentabilités : la rentabilité économique et la rentabilité financière.
A partir de cette définition de la rentabilité, on peut dire que la rentabilité d'un établissement de crédit reflète son aptitude à créer de la valeur et à dégager des gains suffisants pour la poursuite de son activité et la sauvegarde de sa position sur le marché financier. Ainsi, il y a une forte corrélation entre la rentabilité et l'efficience de l'établissement de crédit.
Comme nous l'avons vu au niveau de l'étude théorique, la rentabilité bancaire peut être appréciée par plusieurs indicateurs de l'activité de la banque.
Pour analyser la rentabilité et maîtriser le couple rentabilité - risque nous allons nous référer
A une étude de l'évolution du : Produit Net Bancaire (PNB), la rentabilité des fonds propres (RoE), et rentabilité des actifs (RoA).

Paragraphe1 : Le produit Net Bancaire « PNB » :

Le PNB représente la participation de la banque à l'augmentation de la richesse nationale. Il rend compte des l'ensemble des activités de l'établissement (produits d'exploitation - charges d'exploitation). Il correspond ainsi à :
- La valeur ajoutée sur capitaux
- Les commissions bancaires, dont la majorité sont des commissions sur gestion des crédits accordés à la clientèle.
- Les produits des opérations de changes
- Les dividendes
Tableau 6 : évolution du PNB
Année
2001
2002
2003
2004
2005
Evolution 2005/2004

PNB
74 507
83 380
83 475
81 519
89 907
10,3%
Source : rapport annuel de la BT (2005)
L'augmentation des commissions perçues a permis au Produit Net Bancaire de la Banque de Tunisie d'enregistrer une amélioration au taux de 10,3%.
Le Produit Net Bancaire a atteint en 2005 un montant de 89.907 mille dinars contre 81.517 mille dinars en 2004.
On peut remarquer que durant les cinq derniers exercices, le Produit Net Bancaire a assuré une augmentation, mesurée en terme de taux moyen annuel, de 3,7%.
Durant les cinq dernières années, la structure du Produit Net Bancaire demeure relativement stable à la Banque de Tunisie.

Paragraphe2 : Le renforcement des fonds propres de la BT:

Tableau 7 : évolution des fonds propres
Année
2001
2002
2003
2004
2005
Evolution 2005/2004

Fonds propres
179 698
230 431
248 353
254.915
267 716
8,47%
Source : Rapport annuel de la BT (2005)
Les fonds propres de la Banque de Tunisie ont poursuivi leur forte progression pour passer de 254.915 mille dinars en 2004 à 276.516 mille dinars en 2005, soit une augmentation sensible de 8,47%. Durant les cinq dernières années, cette action de renforcement des fonds propres de la BT s'est poursuivie avec une progression annuelle moyenne de 12,9%.

Paragraphe3 : Les ratios d'exploitation

La rentabilité de la banque peut être appréciée par sa structure d'exploitation, qui se traduit par plusieurs ratios. Parmi ces ratios, je vais me limiter à l'étude de deux ratios phares : RoE et RoA.
Tableau 7 : les ratios d'exploitation
Année
2001
2002
2003
2004
2005

Rentabilité des fonds propres (ROE)
19.15%
16,2%
13.9%
13.4%
13,4%

Rendement de l'actif (ROA)
2,2%
2,1%
2,0%
2,0%
2,1%
Source : rapport de gestion de la BT (2005)
1. Ratio de rentabilité des fonds propres « RoE »
Le RoE traduit la capacité de la banque à réaliser des bénéfices. Il est appelé aussi coefficient de rentabilité financière. Plus ce ratio est élevé, plus la banque est rentable.
RoE = Bénéfice Net / Fonds Propres moyens
Le RoE de la BT a continué de décroître dés 2002. Cette diminution s'explique par une augmentation des fonds propres non accompagnée par une progression aussi importante des résultats nets.
Toutefois, la rentabilité des fonds propres de la BT continue d'afficher une performance plus élevée que la moyenne du secteur bancaire en Tunisie. Cette rentabilité a été de 13,4% durant l'exercice 2005.
2. Ratio de rentabilité des actifs «RoA »
La rentabilité des actifs c'est la rentabilité économique de la banque. Elle sert à mesurer la capacité de la banque de rémunérer ses fonds propres. Ce ratio de rentabilité des actifs permet d'apprécier l'efficacité opérationnelle de la banque.
RoA = Résultat Net / Actif Total
D'après le « Tableau 7 », la BT a arrivé durant ces dernières années à stabiliser la RoE autour des normes internationales (2%), malgré la tendance baissière de ce ratio pour le total du secteur bancaire tunisien qui a enregistré une baisse moyenne de 16,9%.

Conclusion

L'affermissement du secteur bancaire tunisien durant les dernières années a engendré une hausse des crédits intérieurs causant un léger rétrécissement de la liquidité bancaire. Mais, le coût du risque a demeuré important. Ainsi, le secteur bancaire Tunisien a continué à augmenter la masse des dotations aux provisions pour créances classées.
Cet environnement était propice pour la Banque de Tunisie pour enregistrer un redéploiement de son activité commerciale durant la période 2001- 2005 en augmentant significativement le volume des crédits accordés à sa clientèle tout en continuant à collecter les ressources nécessaires et adéquates au financement de ces crédits. Il est envisagé de poursuivre l'augmentation du volume des crédits accordés à la clientèle tout en continuant à collecter les ressources nécessaires et adéquates au financement de ces crédits. Cette augmentation du niveau de l'activité durant l'exercice 2005 a engendré une bonne croissance du Produit Net Bancaire au taux de 10,3%.
On remarque aussi que la BT a poursuivi sa politique prudente en matière de couverture de ses risques et a pu maintenir à un niveau stable ses risques sur les crédits avec une très bonne couverture de ces risques par les provisions.
En conclusion, grâce aux analyses conjuguées, on peut conclure que la Banque de Tunisie ne cherche pas à gagner des parts de marché au détriment de sa rentabilité. Par contre elle entend conserver son autonomie et aspire toujours à plus de modernité, de fiabilité, de respect des normes réglementaires exigées par la BCT et de qualité de service pour sa clientèle. Sa stratégie pour cette année s'inscrit dans la continuité de ses objectifs de croissance rentable et mesurée.

Chapitre 2 : Evolution du Ratio de Couverture des Risques (RCR) et son impact sur la rentabilité des établissements bancaires, cas des banques de dépôts en Tunisie

Introduction
De tout temps, les législations misent en place, les agences de notations ainsi que les nouvelles réformes des textes réglementaires mènent un combat acharné pour imposer aux établissement de crédit de renforcer leurs pratiques d'octroi de crédits et leurs systèmes de surveillance et gestion des risques.
Vers la fin des années 80, l'internationalisation des activités bancaires associée à une forte dynamique de marché, a haussé la part des risques au sein de l'activité bancaire. Par conséquent, les autorités prudentielles ont jugé nécessaire de revoir la conception de leur rôle en vue de faire face aux crises systémiques pouvant s'en suivre.
L'accord dit de Bâle I portant sur les dotations en terme de fonds propres a été signé au siège de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en 1988 et il est rentré en vigueur le 1er janvier 1993. Il a été élaboré par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en vue d'encadrer le risque de crédit par le respect d'un ratio unique et simple, appelé "ratio Cooke" (du nom du Président du Comité de Bâle de l'époque). L'équivalent de ce ratio sur le marché tunisien, c'est le ratio de couverture des risques (RCR), exigé aux établissements de crédit par la banque centrale, qui a pour mission de définir la réglementation prudentielle et d'exercer un contrôle sur les banques et les établissements financiers visant pour l'essentiel à assurer la sécurité des dépôts et celle du système bancaire et sanctionne les fautes disciplinaires.
D'autre part, la banque centrale située au coeur de la sphère financière, sa robustesse découle de son impact potentiel sur le profil de risques et sur la solvabilité des banques, et de là sur la stabilité financière.
Le RCR est donc conçu pour contraindre les établissements de crédit à maintenir un certain niveau des fonds propres par rapport à leurs engagements. L'objectif principal, c'est d'améliorer la rentabilité des banques tunisiennes et essayer de stabiliser notre secteur bancaire autour des normes internationales.
C'est pour cela qu'on va étudier dans cette étude empirique l'évolution des ratios d'exploitation (RoE et RoA), et du ratio Cooke d'un certain nombre des banques tunisiennes. De ce faite un indicateur pris isolement n'a aucune utilité, il faut donc procéder à une comparaison entre deux ou plusieurs périodes ou bien entre plusieurs banques.
Notre échantillon va porter sur six banques de dépôt, deux publiques et quatre privée :
Banques privées
Banques publiques

· L'Amen Banque
· Banque Internationale de Tunisie (BIAT)
· Banque de Tunisie (BT)
· Union Bancaire pour le Commerce te l'Industrie (UBCI)
· Banque Nationale Agricole (BNA)
· Société Tunisienne de Banque (STB)
Les différents indicateurs retenus sont obtenus sur la base des données comptables concernant les bilans et les états de résultat des banques ci-dessus citées, et ce concernant la période allant de 2000 jusqu'à 2005. On procédera à une analyse comparative pour mieux tirer les interprétations les plus significatives.
Dans cette section nous allons tout d'abord étudier l'évolution des ratios d'exploitation et des ratios de couverture des risques des différentes banques étudiées, et ce concernant la période allant de 2000 jusqu'à 2005.
Ensuite, la deuxième étape consiste en une analyse comparative pour identifier le type de corrélation existant entre les différents indicateurs étudiés.
Les tableaux ci-joint résument les ratios de risques de crédit et de rentabilité, calculés sur la base des états financiers et des rapports annuels dégagés par ces six banques.

Section 1 : Les ratios d'exploitation

Paragraphe1 : Le ratio de rentabilité économique (ROA)

C'est la rentabilité de l'actif total de la banque. Ce ratio est un indicateur du rendement et de la profitabilité de la banque.
Tableau 8 : RoA (en %)
RoA
Amen Banque
BT
BIAT
UBCI
BNA
STB

2000
0,81
2,1
2,01
1,6
1,2
0,639

2001
0,73
2,1
1,56
1,72
1,06
1,47

2002
0,46
2,1
0,8
0,68
0,46
0,83

2003
0,43
2
0,73
0,688
0,48
1,39

2004
0,41
2
0,78
0,934
0,123
0,909

2005
0,193
2,1
0,52
0,577
0,128
0,91
Source : Rapports annuels de l'APBT et de chaque banque
Le rendement de l'actif des banques Tunisiennes tourne autours de 0.74% en 2005. Cette moyenne est en deçà des normes prudentielles qui sont de 2%.
La tendance générale du secteur est à la baisse. Sauf la BT qui essaye de s'aligner autour des normes européennes. On peut conclure que la BT sait bien exploiter la croissance de ces actifs. Cela peut être expliqué par la composition du PNB, qui montre que la part des commissions est très faible.

Paragraphe2 : Le ratio de rentabilité financière (ROE)

Le Return on Equity (RoE) est devenu un ratio de communication financière pour attirer les investisseurs. Le RoE se définit de manière très simple :
RoE = Bénéfice net comptable / Capitaux propres
Cependant cet indicateur peut donner une fausse image de la rentabilité parce que un fort coefficient de rentabilité financière peut provenir d'un faible niveau des fonds propres.
Tableau 9 : RoE (en %)
RoE
Amen Banque
BT
BIAT
UBCI
BNA
STB

2000
16,2
18,65%
22,97
12,32
7,18
12,99

2001
19,95
19,1%
17,17
14,1
7,25
10,82

2002
10,29
16,2
10,44
5
4,41
4,81

2003
16,99
13,9
9,94
4,75
4,41
4,56

2004
9,30
13,4
8,67
6,74
4,17
1,273

2005
9,23
13,4
6,71
4,7
2,29
1,251
Source : Rapports annuels de l'APBT et de chaque banque
On constate d'après le tableau précédent que le rendement des fonds propres des banques de dépôt est encore faible. La tendance générale du secteur est à la baisse depuis 2002. La BT est la seule banque qui a pu garder un niveau de rendement des fonds propres qui la rapproche un peu des banques européennes dont le rendement des fonds propres est d'environ 25% .Cependant, le rendement moyen des fonds propres des autres banques à la fin de l'exercice 2005 est de 4.84% ce qui est très insuffisant dans ce nouveau contexte de mondialisation.  

Section 2 : Le Ratio de Couverture des Risques (RCR) ou ratio Cooke :

Le ratio de couverture des risques fait un rapport entre les fonds propres, composés d'un noyau dur (capital et réserves) et d'éléments complémentaires tels que les provisions et les titres subordonnés, et l'actif du bilan et les engagements hors bilan pondérés aux risques. Ce rapport ne doit, en principe, pas excéder 8% c'est à dire que pour un total actif de 100, la banque doit avoir au moins 8 de fonds propres.
Tableau 10 : RCR (en %)
RCR
Amen banque
BT
BIAT
UBCI
BNA
STB

2002
10
12,33
10,3
10,5
11,9
10,85

2001
10,50
13,36
9,40
11,3
9,94
11,23

2002
9,50
16,21
9,20
14
9,01
11,27

2003
9,40
17,33
8,90
15,83
9,38
10,35

2004
9,06
18,14
7,725
14,39
10,32
9,83

2005
9,51
18,79
8,01
13,02
9,84
9,106
Source : Rapports annuels de l'APBT et de chaque banque
Il est clair que la tendance générale du secteur est à la baisse depuis 2003. Malgré cela, on constate que le ratio de couverture des risques est en moyenne sur ces six dernières années et pour ces six banques égales à 12%, supérieur à la norme prudentielle fixée par la banque centrale, soit 8%.
A la lumière de ces résultats, on constate que la BT a toujours le RCR le plus élevé (18,79% en 2005). Elle est ainsi une banque qui gère très bien son risque de crédit. Cette banque paraît la plus stable, et ses excellents résultats réalisés au cours de ces dernières années sont le fruit d'un respect de plus en plus affirmé des règles et normes prudentielles, en plus de sa maîtrise bien planifiée des risques qu'elle encoure.
L'UBCI occupe la deuxième place après la BT, avec un RCR de 13,02%. Ceci est dû à la stratégie qu'elle adopte, à savoir le renforcement des fonds propres.

Conclusion générale

La nouvelle réforme du ratio Cooke proposée par le Comité de Bâle repose sur une philosophie visant d'une part, à faire converger le capital réglementaire et le capital économique et d'autre part, à inciter à l'utilisation progressive des méthodes internes les plus avancées en matière de mesure du risque de crédit. Le comité de Bâle autorise en effet, les banques à développer leur propre modèle interne pour l'évaluation du risque de crédit, dans un cadre similaire dans son principe et ses objectifs au modèle interne « marché ». Ainsi, les banques seront désormais à partir de 2005 soumises à une surveillance prudentielle renforcée en matière de risque de crédit dans un cadre de transparence vis à vis du marché. Il est donc crucial pour les banques de développer un modèle interne fiable et robuste au back-testing pour répondre aux exigences d'une tarification efficiente des crédits en fonction du niveau de risque. L'état actuel des chantiers des banques dans ce domaine est en phase de sophistication. Il nécessite pour cela d'importants travaux afin de palier la complexité de la modélisation du risque de crédit due principalement à des difficultés méthodologiques. A cet effet, il est essentiel de procéder à des tests de comparaison des principaux modèles quantitatifs de risque de crédit et de mesure de la sensibilité de ces modèles aux paramètres à estimer afin de pouvoir améliorer la performance et la fiabilité des modèles de crédit. Cela était l'intérêt du premier chapitre du présent travail.
La mise en place de cette réforme constitue un défi majeur pour les banques, car elle nécessite un ensemble d'actions. Ces actions consistent d'une part à identifier le périmètre des activités et des risques pour élaborer des référentiels et des nomenclatures et d'autre part, en une approche méthodologique pou répondre aux difficultés de modélisation. De plus, un des enjeux majeurs de cette réforme se situe au plan de la qualité des systèmes d'information. Les investissements à réaliser en matière de formation, de communication et de systèmes d'informations sont particulièrement importants. Par ailleurs la mise ne oeuvre de cette réforme ne peut être l'affaire de techniciens uniquement. Les choix qui seront faits dans l'architecture de gestion et dans les principes méthodologiques doivent être validés par le management de la banque au plus haut niveau. La mise en place d'un dispositif intégré de pilotage de la performance suppose également un investissement très important pour la plupart des banques, sur les aspects méthodologiques bien sûr, mais surtout en matière de systèmes et de procédures pour obtenir les données nécessaires. C'est à ce stade qu'il convient de transformer en opportunité les contraintes que représente pour la profession bancaire la réforme du dispositif prudentiel. En effet, les évolutions exigées pour l'adoption des options les plus avancées recouvrent largement, pour les chantiers risques, celles qui sont nécessaires pour la mise en place d'un dispositif intégré de pilotage des performances. Cette coïncidence n'est d'ailleurs pas fortuite. En effet, la réforme de Bâle a été largement inspirée par les établissements les plus sophistiqués, qui ont milité en faveur d'une convergence du dispositif prudentiel vers les méthodes effectivement utilisées pour la gestion de leurs risques et leur politique de tarification. Il s'agit donc actuellement d'une opportunité pour poser simultanément les fondations d'un meilleur pilotage de la rentabilité et d'une optimisation de la charge en fonds propres réglementaires. Ce sont deux objectifs qui convergent clairement vers une maximisation du potentiel de création de valeur des établissements de crédits. C'est ce que nous avons abordé au niveau du deuxième chapitre.
Dans ce vaste chantier, la démarche des banques tunisiennes s'est caractérisée dans un premier temps, par l'introduction de la problématique de gestion des fonds propres au coeur de la démarche stratégique et de mesure des performances. Dans un second temps, elle consistait en la volonté de substituer au capital réglementaire une mesure fondée sur le capital économique; l'objectif étant de mieux appréhender la réalité du couple rentabilité-risque qui est la pierre angulaire de la gestion des banques. La mise en place d'un tel dispositif interne d'évaluation du risque de crédit a donc des conséquences importantes à la fois sur le pilotage stratégique et financier des banques et sur la perception par le marché de la structure de leur portefeuille d'activités, des risques et de la rentabilité.
Des analyses quantitatives des évolutions vécues par le secteur bancaire tunisien, et particulièrement les banques de dépôt, ont permis de concevoir l'importance de l'activité de crédit pour les banques tunisiennes et l'évolution de l'impact du risque de crédit sur leur rentabilité.
Cette étude nous a permis de tirer le constat suivant :
Si la réalité des métiers bancaires ne va pas changer, en revanche l'éclairage qui en sera donné, notamment en termes de consommation de fonds propres et de rentabilité, pourra être dans certains cas sensiblement modifié par cette évolution de la mesure des risques. Ce changement au niveau du pilotage de notre secteur bancaire devrait engendrer en retour des adaptations significatives dans la gestion opérationnelle, notamment dans la politique de crédit et la tarification.
En outre, l'orientation marquée en faveur de l'introduction et de la généralisation des modèles internes dans l'évaluation du risque de crédit est incontestablement la grande novation de la réforme du ratio de couverture des risques. Cette approche s'inscrit dans une démarche de "responsabilisation" accrue des établissements, déjà consacrée dans le domaine des risques de marché. Elle reflète à la fois complexité et sophistication croissantes de l'activité bancaire et financière, et la difficulté accrue pour appréhender la surveillance des risques. Elle présente aussi des aspects positifs non seulement pour la modernisation des techniques de mesure du risque à l'intérieur des banques, mais également pour la réduction du risque bancaire dans son ensemble.
Pour conclure on peut dire que cette approche fondée sur la modélisation interne du risque de crédit exprime une volonté claire de transfert de responsabilité en matière de méthode et de moyens. Même si les autorités de régulation paraissent avoir un rôle accru dans la mise en oeuvre du système, l'étape ultime conduira les banques à définir elles-mêmes et à faire ensuite valide leurs systèmes de mesure de risques et de création de valeur dans un cadre d'affermissement de l'équilibre rentabilité-risque.